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prend, on vous saisit, on vous etrangle, on vous met a la porte, on s'installe chez vous, et vous etes bon a jeter aux chiens. Ce tableau epouvantable ne devait pas me rassurer. Et loin de nous plaindre, Tem, apercevant mon grand-pere qui descendait l'allee majestueusement, la canne a la main, le nez au vent, l'air gaillard, redoubla d'irritation contre celui qui etait la enlise de tous ces degats: --C'est bien fait. C'est bien fait. Quand on a mal conduit les affaires, on est poursuivi, pince, condamne. Faut pas vouloir embrasser tous les hommes comme des freres, quand on a de la bonne terre a garder. Avec de la terre on a deja suffisamment de tracas: il y a assez de monde pour roder autour. Non, regardez-le passer. Il ne nous a meme pas vus. Ca lui est egal, tout lui est egal. En temps ordinaire, Tem ne tenait pas a etre remarque. Cette fois, il menait un grand vacarme pour attirer l'attention et n'y reussit point. Cet echec acheva de le degouter, et aussi, je pense, la perspective de finir cette apres-midi sans boire. Il lacha deliberement la paille qui servait a ses ligatures et, desertant son poste, il m'abandonna par surcroit. --Je ne veux pas voir ca! Je ne veux pas voir ca! proferait-il en s'en allant, ecoeure et colerique. Voir quoi? L'invasion des courtilieres? Moi non plus, je ne voulais pas la voir. De loin j'accompagnai le fuyard jusqu'a la grille ou je relus trois ou quatre fois l'ecriteau pour mieux me penetrer de l'etendue de notre desastre. Puis, je revins lentement en arriere. Qu'allais-je devenir? Mes chevaux, --les echalas, --mes epees de bois, mes jeux ne m'etaient plus rien. Je laissais, pour la premiere fois de ma vie peut-etre, mes bras pendre inutilement le long de mon corps. Par ce sentiment de la vanite universelle, je naissais a la douleur. J'apprenais a me separer de quelque chose. La cruaute des separations, je l'ai toujours ressentie depuis lors a l'instant ou je les entrevoyais et bien avant qu'elles ne s'accomplissent. J'allai me coucher dans les hautes herbes du jardin que Tem avait neglige de faucher et, le visage rapproche de la terre, je demeurai la un temps que je ne puis evaluer. Tout le jardin m'enveloppait d'odeurs et je respirais le jardin. La maison, de ses fenetres ouvertes, me regardait par-dessus les herbes, et je pleurais la maison. La force de mon amour pour elle m'etait inconnue comme mon coeur. C'etait une chaude et calme apres-midi d'ete, pleine de bou
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