emps, C'est l'amour d'une mere.
Ou bien c'etait Silvio Pellico prisonnier qui, d'une voix percante,
reclamait sa brise d'Italie. Un de mes premiers jeux fut l'evasion de
Silvio Pellico, mais je ne savais pas qui c'etait. Mes chansons
preferees etaient peut-etre _l'Etang_ et _Venise_. Je les nomme ainsi,
faute d'en savoir davantage. _L'Etang_ racontait un effroyable drame
de noyade:
Petits enfants, n'approchez pas, Quand vous courez par la vallee, Du
grand etang qu'on voit la-bas, Qu'on voit la-bas sous la feuillee.
Ecoutez ce qu'il arriva D'un enfant blond qui s'esquiva Des bras de sa
me-e-e-ere.
L'enfant blond poursuivait une libellule et la _demoiselle aux ailes
d'or_ l'entrainait dans l'eau froide. Ca lui apprenait a s'esquiver
des bras maternels. Quant a _Venise_, j'en ai retenu pareillement les
premiers vers, y compris leur faute de francais:
Si Dieu favorise Ma noble entreprise J'irai-z-a Venise Couler
d'heureux jours.
Est-ce la magie de ce nom de ville inconnue ou la melancolie de la
ritournelle: je n'imaginais pas de plus beau voyage que de s'en aller
dans cette Venise dont on m'avait montre les gondoles au stereoscope.
J'ai longtemps hesite, crainte d'une deconvenue, a realiser ce projet
qui me venait d'une si lointaine musique, une de ces musiques que nous
continuons d'entendre en nous bien apres les jours d'enfance. Faut-il
que ce soit l'une des plus sures gardiennes du foyer qui, par l'effet
d'une simple romance chantee pour nous calmer, soit la premiere a nous
enflammer la cervelle? Et quand, plus tard, j'ai vu enfin la cite aux
rues mouvantes et aux palais roses, je l'ai abordee avec respect, me
souvenant que cette visite representait une _noble entreprise_, comme
si, deja, la puissance de son charme etait contenue tout entiere par
avance dans la naive berceuse de tante Dine.
De ses innombrables chansons, quelques-unes, je le crois, etaient de
son invention. Ou, du moins, faute de se souvenir exactement de leur
texte, je suppose qu'elle les recomposait a sa maniere. Certain _Pere
Gregoire_, notamment, mi-parle, mi-chante, ne saurait figurer dans
aucun recueil. Une charmante vieille dame a qui j'en faisais part un
jour m'assura que le pere Gregoire existait aussi dans le Berry, du
cote de la Chatre, sous le nom de pere Christophe. C'est deja de la
prose rythmee, et cela se declame sur un ton de melopee qui eclate
brusquement aux finales. Toute une petite comedie de la vanite y tient
en quelq
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