t, pretendant qu'on ne retrouve pas ce qui
est range. Il se laissait dorloter avec negligence et n'y pretait pas
d'attention, sauf quand on l'agacait par quelque exageration de soins.
Pour notre education et notre instruction, pour la direction morale,
tante Dine se mettait, malgre la difference d'age, a la devotion de ma
mere, pour qui elle professait un attachement, une admiration sans
bornes. Jusque dans la vieillesse, elle n'accepta que des fonctions
subalternes. Quand elle avait declare: "Valentine veut ceci,
Valentine a dit cela" (Valentine, c'etait ma mere), il n'y avait pas a
discuter. Elle obeissait a la lettre sans meme chercher a penetrer
l'esprit. Aucune de ses pensees ne lui restait pour elle-meme elle les
distribuait aux autres sans exception. A la gronderie elle n'entendait
rien et baissait la tete quand nous recevions une reprimande, en
maniere de protestation contre la durete du pouvoir. Non seulement
elle ne nous denoncait pas, mais elle trouvait a nos pires fautes des
excuses inattendues, et si merveilleuses qu'elles desarmaient
quelquefois, rien que par l'etonnement qu'elles provoquaient.
--Cet enfant a pris des poires.
--C'etait pour soulager l'arbre qui ne pouvait plus les porter.
--Cet enfant mange salement. Il a mis les mains dans son assiette
d'epinards.
--C'est dans la joie de voir de la verdure.
Nos etudes ne l'interessaient pas. Mais elle avait cette culture de
l'ame qui communique a l'esprit sa fleur de delicatesse. On en savait
toujours assez si l'on etait honnete et bon catholique. Et meme elle
estimait qu'on remplissait de trop bonne heure notre cervelle, et d'un
tas de sciences inutiles. L'histoire des paiens ne lui disait rien qui
vaille, et pour l'arithmetique, elle n'avait jamais su compter. En
revanche, notre sante, notre proprete, notre gaiete, etaient son
affaire. Elle chantait pour nous endormir, elle chantait pour nous
distraire, elle chantait pour nous faire marcher. Ses chansons
tintinnabulent dans mes souvenirs. Il y avait une berceuse ou nous
devenions tour a tour general, cardinal, empereur, et dont le refrain
etait destine a nous inspirer de la patience par un avenir si
reluisant:
En attendant, sur mes genoux, Beau cherubin, endormez-vous.
Mais le beau cherubin ne se pressait pas de s'endormir.
Il y avait aussi le _Nid charmant_ que de _mechants petits lutins a la
mine eveillee_ voulaient detruire et qu'il fallait respecter, car
C'est l'espoir du print
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