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pouvais mesurer avec insolence la galerie des ancetres. Un jour il fut question de les exiler au galetas. Grand-pere desirait les remplacer par des gravures. --Elles sont du dix-huitieme siecle, expliquait-il pour mieux convaincre. Il formula sa proposition avec simplicite et politesse, comme la chose la plus naturelle du monde. Mais tante Dine poussa des cris indignes, et mon pere deploya cette calme autorite qui brisait toute resistance. Grand-pere n'insista pas; il n'insistait jamais. Cependant je le comprenais, puisque c'etait de la mauvaise peinture. Le gouvernement de mon grand-pere etait irregulier et indifferent. Autant dire qu'il n'y en avait pas. Quand je lus dans mon manuel d'histoire, ou dans celui de mes freres aines, le chapitre consacre aux rois faineants, je pensai immediatement a mon grand-pere. Il ne tenait point du tout a ses prerogatives. Cependant il s'appelait Auguste. Je le savais parce que ma grand'tante Bernardine; celle que nous designions sous le nom de tante Dine et qui etait sa soeur, l'appelait ainsi le plus rarement possible, car son prenom l'agacait. --Oui, declara-t-il un jour, on m'a appele Auguste, je ne sais fichtre pas pourquoi. C'est encore un coup des ancetres. On vous colle pour le restant de vos jours une etiquette ridicule. Bien que de taille moyenne, il donnait au premier abord une impression de grandeur, a cause de sa belle tete dont il ne tirait point vanite et qu'il portait avec nonchalance. Son nez fin se busquait legerement. Ses cheveux blancs, qu'il n'eut jamais fait tailler sans les brusques interventions de tante Dine, bouclaient un peu, et sans cesse il plongeait les mains dans sa longue barbe annelee, pareille a celle de l'empereur Charlemagne sur les images, par crainte des grains de tabac qu'elle pouvait receler, car il fumait et prisait. De plus pres, cette impression de prophete s'attenuait, se volatilisait. Il regardait trop souvent a terre, ou levait sur vous des yeux vagues qui ne consentaient pas a vous voir. On sentait qu'on n'existait pas pour lui, et rien n'est plus vexant. Il ne se souciait de rien, ni de personne; ses vetements lui tenaient au corps par la grace de Dieu et de tante Dine. Que leur coupe fut bonne ou mauvaise, il n'en a jamais rien su. Volontiers, il eut attendu, pour en changer, qu'ils le quittassent les premiers. Leur usure le mettait a l'aise. Il a toujours ignore, je pense, l'usage des bretelles, et celui des cravates lui
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