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ste fut enthousiasme. --Oh! l'artiste! Il passait de longues heures dans sa chambre a jouer de son instrument, mais demeurait plus longtemps encore a l'examiner avec amour, a le palper, a tendre ou a detendre les cordes, a frotter l'archet avec la colophane. Ainsi les faucheurs dans les champs passent plus de temps a affuter leurs faux qu'a faucher; ils peuvent taper dessus avec un caillou indefiniment. Quand il jouait, il exigeait qu'on s'en allat. Il jouait pour lui seul, et un peu toujours les memes airs, car je l'ecoutais de la porte, assez souvent, et plus tard j'ai reconnu dans le _Freischuetz_ et dans _Euryanthe_, dans _la Flute enchantee_ et le _Mariage de Figaro_, des passages qu'il affectionnait. Les rythmes clairs de Mozart prenaient la forme de cette joie de respirer que l'on goute sans le savoir dans l'enfance, comme une eau limpide se soumet aux contours d'une vase; mais Weber me donnait le desir imprecis de choses que je ne pouvais definir: j'etais au choeur d'une foret dont les allees se perdaient. C'etait une heureuse initiation. Cependant tous les morceaux n'avaient pas ce merite. Comment l'aurais- je su? Tout est bon a une sensibilite qui s'elance. Je ne puis aujourd'hui encore entendre l'ouverture de _Poete et Paysan_ sans etre secoue d'emotion. Un soir, a Lucerne, au bord du lac, le plus banal des orchestres dans le plus banal des hotels preluda a cette ouverture. Autour de moi les convives en smoking et en robe decolletee continuaient de causer et de rire, comme s'ils ne s'apercevaient de rien, comme s'ils etaient sourds. Alors je sentis que j'etais seul, et mon coeur se fondit, et je crus que j'allais pleurer. L'orchestre ne jouait pas pour le public, il ne s'adressait qu'a moi. Ce n'etait plus l'art mediocre du compositeur autrichien, c'etait le souvenir de mon entree enfantine dans l'empire mysterieux des sons et des reves, dans la foret dont les allees se perdent. A la meme epoque le chant d'un de mes camarades, au college, acheva de me bouleverser. Ce fut a une ceremonie de premiere communion. Je n'etais pas encore admis a la Table Sainte et j'avais tout le loisir de l'ecouter. Il chanta cette melodie de Gounod: _le Ciel a visite la terre_, et c'etait vrai que le ciel me visitait, m'envahissait, m'emportait. Tout mon etre vibrant faisait partie de ce chant. La voix montait, montait, et bien sur elle allait se briser. Elle n'etait pas assez forte pour resister a des notes aussi puiss
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