ait ces soldats a qui l'on fait jouer un si
triste role!"
Et il souriait doucement, chaudement reconforte par cette amitie sincere
qui se manifestait en un moment si critique pour lui.
Cependant, il se trouvait maintenant devant la grande porte du couvent.
Porte monumentale, massive, rebarbative, pesante, sournoise par les
guichets visibles ou dissimules, arrogante et menacante par les clous et
les innombrables serrures.
On dut attendre que les verrous enormes fussent tires avec des
grincements sinistres, que les serrures geantes fussent ouvertes a
l'aide de clefs que le nain Chico eut eu bien de la peine a soulever. Il
y eut forcement un temps d'arret assez long.
Le Chico profita de cet instant, qu'il avait peut-etre prevu, pour se
livrer a une mimique expressive que Pardaillan, qui ne le perdait pas de
vue comprit aisement et qui eut la bonne fortune de passer inapercue,
les gardes du chevalier plaisantant et bavardant entre eux.
"Je viendrai ici tous les jours", disaient les gestes du petit homme.
Et les yeux de Pardaillan repondaient:
"Pour quoi faire?"
Un haussement d'epaules, des yeux leves au ciel, des mains remontant
jusqu'a la tete et retombant mollement, signifiaient:
"Est-ce qu'on peut savoir, tiens! Vous serez peut-etre bien aise de
communiquer avec le dehors."
Et Pardaillan de repondre:
"Soit. J'accepte ton devouement."
Et, d'un sourire, il remerciait.
Maintenant, la, porte etait ouverte. Avant qu'elle se fermat lourdement
sur lui--peut-etre pour toujours--il tourna une derniere fois la tete et
adressa un dernier adieu au nain, dont la physionomie intelligente et
mobile semblait lui crier:
"Ne desesperez pas. Soyez pret a tout. Je ne vous abandonnerai pas!"
Pardaillan disparut sous la voute sombre; les soldats ressortirent
et s'eloignerent allegrement, et le Chico demeura seul, dans la rue
deserte, ne pouvant se decider a s'eloigner de cette porte qui venait
de se fermer sur le seul homme qui lui eut temoigne un peu d'amitie, et
dont la parole chaude et coloree avait eveille en lui tout un monde de
sensations inconnues.
Le soleil s'eteignait lentement a l'horizon; bientot son orbe rouge
disparaitrait completement, la nuit succederait au jour; il n'y avait
plus rien a esperer. Le Chico poussa un gros soupir, et s'eloigna
lentement, tristement, a regret.
Il ne remarqua pas le silence pesant qui semblait ecraser la ville. Il
ne remarqua pas que, hormis les patrouilles qui
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