ui-ci n'en douta pas un seul instant.
Il ne disait rien, le petit homme, mais son regard, rive sur les yeux
du prisonnier, parlait pour lui. Et ce regard trahissait une peine si
sincere, une affection si ardente, un devouement si absolu, une si naive
admiration a le voir si fier au milieu de ses gardes qu'il paraissait
diriger, que ce grand sentimental qu'etait le chevalier de Pardaillan
se sentit doucement emu, delicieusement reconforte, et qu'il eut a
l'adresse de son petit ami un de ces sourires d'une si poignante douceur
qui avaient le don de bouleverser le petit paria.
Le premier mouvement de Pardaillan fut d'adresser quelques mots au nain.
Mais il reflechit que, dans les circonstances presentes, il risquait
fort de le compromettre.
Cependant, comme il avait la rage de s'oublier toujours pour songer aux
autres, il aurait bien voulu savoir ce qu'etait devenu son autre ami,
don Cesar, sur qui il s'etait promis de veiller et pour qui il s'etait
si imprudemment expose qu'il se trouvait pris. Il adressa donc, en
passant, un regard d'une muette eloquence au nain attentif.
Le Chico n'etait pas un sot. Il s'etait senti largement recompense par
le sourire de Pardaillan et il avait parfaitement compris a quel mobile
il obeissait en paraissant ne pas le connaitre.
Il comprit aussi parfaitement la signification du coup d'oeil de
Pardaillan qui criait:
"Don Cesar est-il sauf?"
Dans le meme langage muet, il repondit a l'instant et il fut compris
comme il avait compris lui-meme.
La tete etait la seule partie de son corps qu'il pouvait remuer a son
aise, attendu qu'il n'avait pas ete possible de l'enchainer comme le
reste. Pardaillan manifesta donc sa satisfaction par un imperceptible
signe de tete, et il passa de ce pas lourd, lent et maladroit que lui
imposaient ses entraves.
Il s'apercut alors que le Chico, favorise par l'exiguite de sa taille,
se faufilait parmi les soldats, d'ailleurs indifferents, s'attachait
obstinement a ses pas et trouvait moyen de marcher a sa hauteur, comme
s'il avait eu quelque chose a lui communiquer.
Il remarqua egalement que le nain serrait dans son poing crispe le
manche de sa minuscule dague, et qu'il jetait sur les hommes de son
escorte des regards charges de colere qui les eussent infailliblement
jetes bas s'ils avaient ete des pistolets. Il ne put s'empecher de
penser, a part lui:
"Ah! le brave petit homme! Si sa force egalait sa bravoure et sa
volonte, comme il charger
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