ent rien pour le
secourir, les moutons appartenant a un proprietaire dont ils n'etaient
que les fermiers.
Pendant un mois, il resta dans cette etable, s'enfoncant dans le fumier
quand se faisait sentir le froid de la nuit, et n'ayant, pour se
soutenir, d'autre ressource que de teter les brebis qui venaient
d'agneler.
Cependant il avait l'ame si solidement chevillee dans le corps, qu'il ne
mourut point.
Ce fut quand il commenca a entrer en convalescence qu'il endura les plus
douloureuses souffrances,--celles de la faim, car les braves gens qui le
gardaient dans leur etable n'avaient pas de quoi le nourrir, et le lait
des brebis ne suffisait plus a son appetit feroce.
Il faut que le visage tumefie et couvert de pustules il se remette en
route au milieu de la neige pour chercher un morceau de pain. La France
n'avait point alors des etablissements hospitaliers dans toutes les
villes. Presque toutes les portes se ferment devant lui; on le repousse
par peur de la contagion.
A la fin, on veut bien l'employer a Castres comme terrassier pour vider
un puisard empoisonne et il est heureux de prendre ce travail que tous
les ouvriers du pays ont refuse.
Il se retablit, et son esprit aventureux le pousse de pays en pays:
bucheron ici, chien de berger la, maquignon, marinier, etc.
Pendant ce temps, la Revolution s'accomplit, la France est envahie, on
parle de patrie, d'ennemis, de bataille, de victoire; il a dix-sept ans,
il s'engage comme tambour.
Enfin, il a trouve sa vocation, et il faut convenir qu'il a ete bien
prepare au dur metier de soldat de la Revolution et de l'empire; pendant
vingt-trois ans il parcourra l'Europe dans tous les sens, et les
fatigues pas plus que les maladies ne pourront l'arreter un seul jour;
il rotira dans les sables d'Egypte, il pourrira dans les boues de
la Pologne, il gelera dans la retraite de Russie, et toujours on le
trouvera debout le sabre en main. C'est avec ces hommes qui ont recu ce
rude apprentissage de la vie, que Napoleon accomplira des prodiges qui
paraissent invraisemblables aux militaires d'aujourd'hui.
Pour son debut, il est enferme dans Mayence, ce qui est vraiment mal
commencer pour un beau mangeur; mais la famine qu'il endure a Mayence ne
ressemble en rien a la faim atroce dont il a souffert dans la montagne
Noire. Il en rit.
En Vendee, il rit aussi de la guerre des chouans et de leurs ruses; il
en a vu bien d'autres dans les passages des Pyrenees, au temps ou i
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