effet des desordres de Barras.
Le directoire, institue le lendemain du 15 vendemiaire[2], forme en
haine de la contre-revolution, compose de regicides et attaque avec
fureur par les royalistes, devait etre chaudement republicain. Mais
chacun de ses membres participait plus ou moins aux opinions qui
divisaient la France. Larevelliere et Rewbell avaient ce republicanisme
modere, mais rigide, aussi oppose aux emportemens de 93 qu'aux fureurs
royalistes de 95. Les gagner a la contre-revolution etait impossible.
L'instinct si sur des partis leur apprenait qu'il n'y avait rien a
obtenir d'eux, ni par des seductions, ni par des flatteries de journaux.
Aussi n'avaient-ils pour ces deux directeurs que le blame le plus amer.
Quant a Barras et a Carnot, il en etait autrement. Barras, quoiqu'il vit
tout le monde, etait en realite un revolutionnaire ardent. Les faubourgs
l'avaient en grande estime, et se souvenaient toujours qu'il avait ete
le general de vendemiaire, et les conspirateurs du camp de Grenelle
avaient cru pouvoir compter sur lui. Aussi les patriotes le comblaient
d'eloges, et les royalistes l'accablaient d'invectives. Quelques agens
secrets du royalisme, rapproches de lui par un commun esprit d'intrigue,
pouvaient bien, comptant sur sa depravation, concevoir quelques
esperances; mais c'etait une opinion a eux particuliere. La masse du
parti l'abhorrait et le poursuivait avec fureur.
[Note 2: An IV, 4 octobre 1795.]
Carnot, ex-montagnard, ancien membre du comite de salut public, et
expose apres le 9 thermidor a devenir victime de la reaction royaliste,
devait etre certainement un republicain prononce, et l'etait
effectivement. Au premier moment de son entree au directoire, il avait
fortement appuye tous les choix faits dans le parti montagnard; mais peu
a peu, a mesure que les terreurs de vendemiaire s'etaient calmees, ses
dispositions avaient change. Carnot, meme au comite de salut public,
n'avait jamais aime la tourbe des revolutionnaires turbulens, et avait
fortement contribue a detruire les hebertistes. En voyant Barras, qui
tenait a rester _roi de la canaille_, s'entourer des restes du parti
jacobin, il etait devenu hostile pour ce parti; il avait deploye
beaucoup d'energie dans l'affaire du camp de Grenelle, et d'autant plus
que Barras etait un peu compromis dans cette echauffouree. Ce n'est pas
tout: Carnot etait agite par des souvenirs. Le reproche qu'on lui avait
fait d'avoir signe les actes les plus sang
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