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secrete qu'il fallait conjurer, il s'adressa au ministre de France
Lallemant, pour savoir si, dans ce peril extreme, la republique de
Venise pouvait compter sur l'amitie du directoire. La reponse du
ministre Lallemant fut simple, et dictee par sa position. Il declara
qu'il n'avait aucune instruction de son gouvernement pour ce cas, ce
qui etait vrai; mais il ajouta que si le gouvernement venitien voulait
apporter a sa constitution les modifications reclamees par le besoin du
temps, il pensait que la France l'appuierait volontiers. Lallemant ne
pouvait pas faire d'autre reponse; car si la France avait offert son
alliance a Venise contre les autres puissances, elle ne la lui offrit
jamais contre ses propres sujets, et elle ne pouvait la lui offrir
contre eux, qu'a condition que le gouvernement adopterait des principes
sages et raisonnables. Le grand-conseil de Venise delibera sur la
reponse de Lallemant. Il y avait plusieurs siecles que la proposition
d'un changement de constitution n'avait ete faite publiquement. Sur
deux cents voix, elle n'en obtint que cinq. Une cinquantaine de voix
se declarerent pour l'adoption d'un parti energique; mais cent
quatre-vingts se prononcerent pour une reforme lente, successive,
renvoyee a des temps plus calmes, c'est-a-dire, pour une determination
evasive. On resolut d'envoyer sur-le-champ deux deputes a Bonaparte,
pour sonder ses intentions, et invoquer son appui. On choisit l'un des
sages de terre-ferme, J.-B. Cornaro, et le fameux procurateur Pezaro,
qu'on a deja vu si souvent en presence du general.
Les courriers de Kilmaine et les envoyes venitiens atteignirent
Bonaparte au moment ou ses manoeuvres hardies lui avaient assure la
ligne des Alpes et ouvert les Etats hereditaires. Il etait a Gorice,
occupe a regler la capitulation de Trieste. Il apprit avec une veritable
peine les evenemens qui se passaient sur ses derrieres, et on le croira
facilement si on reflechit combien il y avait d'audace et de danger dans
sa marche sur Vienne. Du reste, ses depeches au directoire font foi de
la peine qu'il eprouvait; et ceux qui ont dit qu'il n'exprimait pas sa
veritable pensee dans ces depeches ont montre peu de jugement, car il ne
fait aucune difficulte d'y avouer ses ruses les moins franches contre
les gouvernemens italiens. Cependant que pouvait-il faire au milieu de
pareilles circonstances? Il n'etait pas genereux a lui de comprimer
par la force le parti qui proclamait nos principes, q
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