nds, en possession du gouvernement, etaient
effrayes de lutter contre un guerrier comme Bonaparte; quoique Venise
put tres bien resister a une attaque, ils n'envisageaient qu'avec
epouvante les horreurs d'un siege, les fureurs auxquelles deux partis
irrites ne manqueraient pas de se livrer, les exces de la soldatesque
esclavonne, les dangers auxquels seraient exposes Venise et ses
etablissemens maritimes et commerciaux; ils redoutaient surtout de voir
leurs proprietes, toutes situees sur la terre-ferme, sequestrees par
Bonaparte, et menacees de confiscation. Ils craignaient meme pour les
pensions dont vivait la petite noblesse, et qui seraient perdues si, en
poussant la lutte a l'extremite, on s'exposait a une revolution.
Ils pensaient qu'en traitant ils pourraient sauver les anciennes
institutions de Venise par des modifications; conserver le pouvoir
qui est toujours assure aux hommes habitues a le manier; sauver leurs
terres, les pensions de la petite noblesse, et eviter a la ville les
horreurs du sac et du pillage. En consequence, ces hommes qui n'avaient
ni l'energie de leurs ancetres, ni les passions de la masse nobiliaire,
songerent a traiter. Les principaux membres du gouvernement se reunirent
chez le doge. C'etaient les six conseillers du doge, les trois presidens
de la garantie criminelle, les six sages-grands, les cinq sages de
terre-ferme, les cinq sages des ordres, les onze sages sortis du
conseil, les trois chefs du conseil des dix, les trois avogadori. Cette
assemblee extraordinaire, et contraire meme aux usages, avait pour
but de pourvoir au salut de Venise. L'epouvante y regnait. Le doge,
vieillard affaibli par l'age, avait les yeux remplis de larmes. Il dit
qu'on n'etait pas assure cette nuit meme de dormir tranquillement dans
son lit. Chacun fit differentes propositions. Un membre proposait de
se servir du banquier Haller pour gagner Bonaparte. On trouva la
proposition ridicule et vaine. D'ailleurs l'ambassadeur Quirini avait
ordre de faire a Paris tout ce qu'il pourrait, et d'acheter meme des
voix au directoire, s'il etait possible. D'autres proposerent de se
defendre. On trouva la proposition imprudente, et digne de tetes folles
et jeunes. Enfin on s'arreta a l'idee de proposer au grand conseil une
modification a la constitution, afin d'apaiser Bonaparte par ce moyen.
Le grand conseil, compose ordinairement de toute la noblesse, et
representant la nation venitienne, fut convoque. Six cent dix-neuf
mem
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