tion de cette antique aristocratie. Un peuple immense etait
reuni. D'une part, on apercevait la bourgeoisie joyeuse enfin de voir le
pouvoir de ses maitres renverse; et d'autre part, le peuple excite par
la noblesse, pret a se precipiter sur ceux qu'il regardait comme les
instigateurs de cette revolution. Le doge prit la parole en versant des
larmes, et proposa au grand conseil d'abdiquer sa souverainete. Tandis
qu'on allait deliberer, on entendit tirer des coups de fusil. La
noblesse se crut menacee d'un massacre. "Aux voix! aux voix!"
s'ecria-t-on de toutes parts. Cinq cent douze suffrages voterent
l'abolition de l'ancien gouvernement. D'apres les statuts, il en aurait
fallu six cents. Il y eut douze suffrages contraires, et cinq nuls.
Le grand conseil rendit la souverainete a la nation venitienne tout
entiere; il vota l'institution d'une municipalite, et l'etablissement
d'un gouvernement provisoire, compose de deputes de tous les etats
venitiens; il consolida la dette publique, les pensions accordees aux
nobles pauvres, et decreta l'introduction des troupes francaises dans
Venise. A peine cette deliberation fut-elle prise, qu'un pavillon fut
hisse a une fenetre du palais. A cette vue, la bourgeoisie fut dans la
joie; mais le peuple furieux, portant l'image de Saint-Marc, parcourant
les rues de Venise, attaqua les maisons des habitans accuses d'avoir
arrache cette determination a la noblesse venitienne. Les maisons de
Spada et de Zorzi furent pillees et saccagees; le desordre fut porte au
comble, et on craignit un horrible bouleversement. Cependant un certain
nombre d'habitans interesses a la tranquillite publique se reunirent,
mirent a leur tete un vieux general maltais nomme Salembeni, qui avait
ete long-temps persecute par l'inquisition d'etat, et fondirent sur les
perturbateurs. Apres un combat au pont de Rialto, ils les disperserent,
et retablirent l'ordre et la tranquillite.
Les Esclavons furent enfin embarques et renvoyes apres de grands
exces commis dans les villages du Lido et de Malamocco. La nouvelle
municipalite fut instituee; et, le 27 floreal (16 mai), la flottille
alla chercher une division de quatre mille Francais, qui s'etablit
paisiblement dans Venise.
Tandis que ces choses se passaient a Venise, Bonaparte signait a Milan,
et le meme jour, avec les plenipotentiaires venitiens, un traite
conforme en tout a la revolution qui venait de s'operer. Il stipulait
l'abdication de l'aristocratie, l'institut
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