pas pour les personnes les menagemens necessaires
a la tete d'une grande administration. D'ailleurs on pouvait l'employer
avec avantage dans la carriere diplomatique; lui-meme desirait aller
remplacer en Espagne le general Perignon, pour faire concourir cette
puissance a ses grands desseins sur les Indes. Quant a Delacroix, il a
prouve depuis qu'il pouvait bien administrer un departement; mais il
n'avait ni la dignite, ni l'instruction necessaire pour representer la
republique aupres des puissances de l'Europe. D'ailleurs les directeurs
avaient un vif desir de voir arriver aux affaires etrangeres un autre
personnage: c'etait M. de Talleyrand. L'esprit enthousiaste de madame de
Stael s'etait enflamme pour l'esprit froid, piquant et profond de M. de
Talleyrand. Elle l'avait mis en communication avec Benjamin Constant, et
Benjamin Constant avait ete charge de le mettre en rapport avec Barras.
M. de Talleyrand sut gagner Barras et en aurait gagne de plus fins.
Apres s'etre fait presenter par madame de Stael a Benjamin Constant,
par Benjamin Constant a Barras, il se fit presenter par Barras a
Larevelliere, et il sut gagner l'honnete homme comme il avait gagne le
mauvais sujet. Il leur parut a tous un homme fort a plaindre, odieux a
l'emigration comme partisan de la revolution, meconnu par les patriotes
a cause de sa qualite de grand seigneur, et victime a la fois de ses
opinions et de sa naissance. Il fut convenu qu'on en ferait un ministre
des affaires exterieures. La vanite des directeurs etait flattee de se
rattacher a un si grand personnage; et ils etaient assures d'ailleurs
de confier les affaires etrangeres a un homme instruit, habile, et
personnellement lie avec toute la diplomatie europeenne.
Restaient Ramel, ministre des finances, et Merlin (de Douai), ministre
de la justice, qui etaient odieux aux royalistes, plus que tous les
autres ensemble, mais qui remplissaient avec autant de zele que
d'aptitude les devoirs de leur ministere. Les trois directeurs ne
voulaient les remplacer a aucun prix. Ainsi les trois directeurs
devaient, sur les sept ministres, changer Cochon, Petiet, et Benezech,
pour cause d'opinion; Truguet et Delacroix, pour l'interet du service,
et garder Merlin et Ramel. Dans tout etat dont les institutions sont
representatives, monarchie ou republique, c'est par le choix des
ministres que le gouvernement prononce son esprit et sa marche. C'est
aussi pour le choix des ministres que les partis s'agitent
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