avait charge un officier de se mettre a la tete d'un
detachement, et d'aller s'emparer de Carnot et de Barthelemy. Carnot,
averti a temps, s'etait sauve de son appartement, et il etait parvenu a
s'evader par une petite porte du jardin du Luxembourg dont il avait
la cle. Quant a Barthelemy, on l'avait trouve chez lui, et on l'avait
arrete. Cette arrestation etait embarrassante pour le directoire. Barras
excepte, les directeurs etaient charmes de la fuite de Carnot; ils
desiraient vivement que Barthelemy en fit autant. Ils lui firent
proposer de s'enfuir. Barthelemy repondit qu'il y consentait, si on le
faisait transporter ostensiblement, et sous son nom, a Hambourg. Les
directeurs ne pouvaient s'engager a une pareille demarche. Se proposant
de deporter plusieurs membres du corps legislatif, ils ne pouvaient pas
traiter avec tant de faveur l'un de leurs collegues. Barthelemy fut
conduit au Temple; il y arriva en meme temps que Pichegru, Willot, et
les autres deputes pris dans la commission des inspecteurs.
Il etait huit heures du matin: beaucoup de deputes, avertis, voulurent
courageusement se rendre a leur poste. Le president des cinq-cents,
Simeon, et celui des anciens, Lafond-Ladebat, parvinrent jusqu'a leurs
salles respectives, qui n'etaient pas encore fermees, et purent occuper
le fauteuil en presence de quelques deputes. Mais des officiers vinrent
leur intimer l'ordre de se retirer. Ils n'eurent que le temps de
declarer que la representation nationale etait dissoute. Ils se
retirerent chez l'un d'eux, ou les plus courageux mediterent une
nouvelle tentative. Ils resolurent de se reunir une seconde fois, de
traverser Paris a pied, et de se presenter, ayant leurs presidens en
tete, aux portes du Palais-Legislatif. Il etait pres de onze heures du
matin. Tout Paris etait averti de l'evenement; le calme de cette
grande cite n'en etait pas trouble. Ce n'etaient plus les passions qui
produisaient un soulevement; c'etait un acte methodique de l'autorite
contre quelques representans. Une foule de curieux encombraient les rues
et les places publiques, sans mot dire. Seulement des groupes detaches
des faubourgs, et composes de jacobins, parcouraient les rues en criant:
_Vive la republique! a bas les aristocrates!_ Ils ne trouvaient ni echo
ni resistance dans la masse de la population. C'etait surtout autour du
Luxembourg que leurs groupes s'etaient amasses. La, ils criaient: _Vive
le directoire!_ et quelques-uns, _vive Barras!
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