ette ville a un corps autrichien. Les
patriotes venitiens, en se voyant donnes a l'Autriche, furent indignes.
Bonaparte leur avait fait assurer un asile dans la Cisalpine, et il
avait stipule avec le gouvernement autrichien la faculte, pour eux,
de vendre leurs biens. Ils ne furent point sensibles a ces soins, et
vomirent contre le vainqueur qui les sacrifiait, des imprecations
vehementes, et fort naturelles. Villetard, qui avait semble s'engager
pour le gouvernement francais a leur egard, ecrivit a Bonaparte, et en
fut traite avec une durete remarquable. Du reste, ce ne furent pas
les patriotes seuls qui montrerent une grande douleur dans cette
circonstance; les nobles et le peuple, qui preferaient naguere
l'Autriche a la France, parce qu'ils aimaient les principes de l'une et
abhorraient ceux de l'autre, sentirent se reveiller tous leurs sentimens
nationaux, et montrerent un attachement pour leur antique patrie, qui
les rendit dignes d'un interet qu'ils n'avaient pas inspire encore. Le
desespoir fut general; on vit une noble dame s'empoisonner, et l'ancien
doge tomber sans mouvement aux pieds de l'officier autrichien, dans les
mains duquel il pretait le serment d'obeissance.
Bonaparte adressa une proclamation aux Italiens, dans laquelle il leur
faisait ses adieux et leur donnait ses derniers conseils. Elle respirait
ce ton noble, ferme, et toujours un peu oratoire, qu'il savait donner
a son langage public. "Nous vous avons donne la liberte, dit-il aux
Cisalpins, sachez la conserver...; pour etre dignes de votre destinee,
ne faites que des lois sages et moderees; faites-les executer avec force
et energie; favorisez la propagation des lumieres, et respectez la
religion. Composez vos bataillons, non pas de gens sans aveu, mais de
citoyens qui se nourrissent des principes de la republique, et soient
immediatement attaches a sa prosperite. Vous avez en general besoin de
vous penetrer du sentiment de votre force et de la dignite qui convient
a l'homme libre: divises et plies depuis des siecles a la tyrannie,
vous n'eussiez pas conquis votre liberte; mais sous peu d'annees,
fussiez-vous abandonnes a vous-memes, aucune puissance de la terre ne
sera assez forte pour vous l'oter. Jusqu'alors la grande nation vous
protegera contre les attaques de vos voisins; son systeme politique sera
uni au votre.... Je vous quitte sous peu de jours. Les ordres de mon
gouvernement et un danger imminent de la republique Cisalpine me
rappellero
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