LA FRANCE AVEC LE
CONTINENT.--CONGRES DE RASTADT. CAUSE DE LA DIFFICULTE DES
NEGOCIATIONS.--REVOLUTION EN HOLLANDE, A ROME ET EN SUISSE.--SITUATION
INTERIEURE DE LA FRANCE; ELECTIONS DE L'AN VI; SCISSIONS ELECTORALES.
NOMINATION DE TREILHARD AU DIRECTOIRE.--EXPEDITION EN EGYPTE, SUBSTITUEE
PAR BONAPARTE AU PROJECT DE DESCENTE; PREPARATIFS DE CETTE EXPEDITION.
La reception triomphale que le directoire avait faite au general
Bonaparte fut suivie de fetes brillantes, que lui donnerent
individuellement les directeurs, les membres des conseils et les
ministres. Chacun chercha a se surpasser en magnificence. Le heros
de ces fetes fut frappe du gout que deploya pour lui le ministre des
affaires etrangeres, et sentit un vif attrait pour l'ancienne elegance
francaise. Au milieu de ces pompes, il se montrait simple, affable, mais
severe, presque insensible au plaisir, cherchant dans la foule l'homme
utile et celebre, pour aller s'entretenir avec lui de l'art ou de la
science dans lesquels il s'etait illustre. Les plus grandes renommees se
trouvaient honorees d'avoir ete distinguees par le general Bonaparte.
L'instruction du jeune general n'etait que celle d'un officier sorti
recemment des ecoles militaires. Mais grace a l'instinct du genie, il
savait s'entretenir des sujets qui lui etaient le plus etrangers, et
jeter quelques-unes de ces vues hasardees, mais originales, qui ne sont
souvent que des impertinences de l'ignorance, mais qui, de la part des
hommes superieurs, et exprimees avec leur style, font illusion, et
seduisent meme les hommes speciaux. On remarquait avec surprise cette
facilite a traiter tous les sujets. Les journaux, qui s'occupaient
des moindres details relatifs a la personne du general Bonaparte, qui
rapportaient chez quel personnage il avait dine, quel visage il avait
montre, s'il etait gai ou triste, les journaux disaient qu'en dinant
chez Francois (de Neufchateau), il avait parle de mathematiques avec
Lagrange et Laplace, de metaphysique avec Sieyes, de poesie avec
Chenier, de legislation et de droit public avec Daunou. En general, on
osait peu le questionner quand on etait en sa presence, mais on desirait
vivement l'amener a parler de ses campagnes. S'il lui arrivait de le
faire, il ne parlait jamais de lui, mais de son armee, de ses soldats,
de la bravoure republicaine; il peignait le mouvement, le fracas des
batailles, il en faisait sentir vivement le moment decisif, la maniere
dont il fallait le sa
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