erets, et on proposa un emprunt volontaire de quatre-vingts millions.
Il devait etre hypotheque sur l'etat. Une partie des benefices de
l'expedition devait etre changee en primes, qui seraient tirees au sort
entre les preteurs. Le directoire se fit demander, par les principaux
negocians, l'ouverture de cet emprunt. Le projet en fut soumis au corps
legislatif, et, des les premiers jours, il parut obtenir faveur. On
recut pour quinze ou vingt millions de souscriptions. Le directoire
dirigeait non seulement tous ses efforts contre l'Angleterre, mais aussi
toutes ses severites. Une loi interdisait l'entree des marchandises
anglaises, il se fit autoriser a employer les visites domiciliaires pour
les decouvrir, et les fit executer dans toute la France, le meme jour,
et a la meme heure[10].
[Note 10: Le 15 nivose an VI (4 janvier).]
Bonaparte semblait seconder ce grand mouvement et s'y preter; mais au
fond il penchait peu pour ce projet. Marcher sur Londres, y entrer,
jeter soixante mille hommes en Angleterre, ne lui paraissait pas le plus
difficile. Mais il sentait que conquerir le pays, s'y etablir, serait
impossible; qu'on pourrait seulement le ravager, lui enlever une partie
de ses richesses, le reculer, l'annuler pour un demi-siecle; mais qu'il
faudrait y sacrifier l'armee qu'on y aurait amenee, et revenir presque
seul, apres une espece d'incursion barbare. Plus tard, avec une
puissance plus vaste, une plus grande experience de ses moyens, une
irritation toute personnelle contre l'Angleterre, il songea serieusement
a lutter corps a corps avec elle, et a risquer sa fortune contre la
sienne; mais aujourd'hui il avait d'autres idees et d'autres projets.
Une raison le detournait surtout de cette entreprise. Les preparatifs
exigeaient encore plusieurs mois; la belle saison allait arriver, et il
fallait attendre les brumes et les vents de l'hiver prochain pour tenter
la descente. Or, il ne voulait pas rester une annee oisif a Paris,
n'ajoutant rien a ses hauts-faits, et descendant dans l'opinion, par
cela seul qu'il ne s'y elevait pas. Il songeait donc a un projet
d'une autre espece, projet tout aussi gigantesque que la descente en
Angleterre, mais plus singulier, plus vaste dans ses consequences, plus
conforme a son imagination, et surtout plus prochain. On a vu qu'en
Italie il s'occupait beaucoup de la Mediterranee, qu'il avait cree une
espece de marine, que, dans le partage des etats venitiens, il avait eu
soin de reserve
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