ant tout a
fait imprevue, ne rencontrerait pas d'obstacles; que quelques mois
suffiraient pour l'etablissement des Francais; qu'il reviendrait de sa
personne en automne pour executer la descente en Angleterre; que le
temps serait alors favorable; que l'Angleterre aurait envoye dans l'Inde
une partie de ses flottes, et qu'on rencontrerait bien moins d'obstacles
pour aborder sur ses rivages. Outre tous ces motifs, Bonaparte en avait
de personnels: l'oisivete de Paris lui etait insupportable; il ne voyait
rien a tenter en politique, il craignait de s'user; il voulait se
grandir encore. Il avait dit: _Les grands noms ne se font qu'en Orient_.
Le directoire, qu'on a accuse d'avoir voulu se debarrasser de Bonaparte
en l'envoyant en Egypte, faisait au contraire de grandes objections
contre ce projet. Larevelliere-Lepaux surtout etait un des plus obstines
a le combattre. Il disait qu'on allait exposer trente ou quarante mille
des meilleurs soldats de la France, les commettre au hasard d'une
bataille navale, se priver du meilleur general, de celui que l'Autriche
redoutait le plus, dans un moment ou le continent n'etait rien moins que
pacifie, et ou la creation des republiques nouvelles avait excite de
violens ressentimens; que de plus, on allait peut-etre exciter la Porte
a prendre les armes, en envahissant une de ses provinces. Bonaparte
trouvait reponse a tout. Il disait que rien n'etait plus facile que
d'echapper aux Anglais, en les laissant dans l'ignorance du projet; que
la France, avec trois ou quatre cent mille soldats, n'en etait pas a
dependre de trente ou quarante mille hommes de plus; que pour lui il
reviendrait bientot; que la Porte avait perdu l'Egypte depuis long-temps
par l'usurpation des Mameluks; qu'elle verrait avec plaisir la France
les punir; qu'on pourrait s'entendre avec elle; que le continent
n'eclaterait pas de si tot, etc., etc. Il parlait aussi de Malte, qu'il
enleverait en passant aux chevaliers, et qu'il assurerait a la France.
Les discussions furent tres vives, et amenerent une scene qu'on a
toujours fort mal racontee. Bonaparte, dans un mouvement d'impatience,
prononca le mot de demission. "Je suis loin de vouloir qu'on vous la
donne, s'ecria Larevelliere avec fermete; mais si vous l'offrez, je suis
d'avis qu'on l'accepte[12]." Depuis cet instant, Bonaparte ne prononca
plus le mot de demission.
[Note 12: On a tour a tour attribue ce mot a Rewbell ou a Barras. On a
donne a cette discussion une tou
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