ambassadeurs, les membres des deux conseils, la magistrature, les
chefs des administrations, etaient places sur des sieges ranges en
amphitheatre. Des trophees magnifiques formes par les innombrables
drapeaux pris sur l'ennemi, s'elevaient de distance en distance, tout
autour de la cour; de belles tentures tricolores en ornaient les
murailles; des galeries portaient la plus brillante societe de la
capitale, des corps de musiciens etaient disposes dans l'enceinte; une
nombreuse artillerie etait placee autour du palais, pour ajouter ses
detonations aux sons de la musique et au bruit des acclamations. Chenier
avait compose pour ce jour-la l'une de ses plus belles hymnes.
C'etait le 20 frimaire an VI (10 decembre 1797). Le directoire, les
fonctionnaires publics, les assistans etaient ranges a leur place,
attendant avec impatience l'homme illustre que peu d'entre eux avaient
vu. Il parut accompagne de M. de Talleyrand, qui etait charge de le
presenter; car c'etait le negociateur qu'on felicitait dans le moment.
Tous les contemporains, frappes de cette taille grele et ce visage
pale et romain, de cet oeil ardent, nous parlent chaque jour encore
de l'effet qu'il produisait, de l'impression indefinissable de genie,
d'autorite, qu'il laissait dans les imaginations. La sensation fut
extreme. Des acclamations unanimes eclaterent a la vue du personnage
si simple qu'environnait une telle renommee. _Vive la republique! vive
Bonaparte!_ furent les cris qui eclaterent de toutes parts. M. de
Talleyrand prit ensuite la parole, et dans un discours fin et concis,
s'efforca de rapporter la gloire du general, non a lui, mais a la
revolution, aux armees et a la _grande nation_. Il sembla se faire en
cela le complaisant de la modestie de Bonaparte, et avec son esprit
accoutume, deviner comment le heros voulait qu'on parlat de lui, devant
lui. M. de Talleyrand parla ensuite _de ce qu'on pouvait_, disait-il,
_appeler son ambition_; mais en songeant a son gout antique pour la
simplicite, a son amour pour les sciences abstraites, a ses lectures
favorites, a ce sublime Ossian, avec lequel il apprenait a se detacher
de la terre, M. de Talleyrand dit qu'il faudrait le solliciter peut-etre
pour l'arracher un jour a sa studieuse retraite. Ce que venait de dire
M. de Talleyrand etait dans toutes les bouches, et allait se retrouver
dans tous les discours prononces dans cette grande solennite. Tout le
monde disait et repetait que le jeune general etait s
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