ans ambition, tant
on avait peur qu'il en eut. Bonaparte parla apres M. de Talleyrand, et
prononca d'un ton ferme les phrases hachees que voici:
"CITOYENS,
"Le peuple francais, pour etre libre, avait les rois a combattre.
"Pour obtenir une constitution fondee sur la raison, il avait dix-huit
siecles de prejuges a vaincre.
"La constitution de l'an III et vous, avez triomphe de tous ces
obstacles.
"La religion, la feodalite, le royalisme, ont successivement, depuis
vingt siecles, gouverne l'Europe; mais de la paix que vous venez de
conclure, date l'ere des gouvernemens representatifs.
"Vous etes parvenus a organiser la grande nation dont le vaste
territoire n'est circonscrit que parce que la nature en a pose elle-meme
les limites.
"Vous avez fait plus. Les deux plus belles parties de l'Europe, jadis
si celebres par les arts, les sciences et les grands hommes dont elles
furent le berceau, voient avec les plus grandes esperances le genie de
la liberte sortir du tombeau de leurs ancetres.
"Ce sont deux piedestaux sur lesquels les destinees vont placer deux
puissantes nations.
"J'ai l'honneur de vous remettre le traite signe a Campo-Formio, et
ratifie par sa majeste l'empereur.
"La paix assure la liberte, la prosperite et la gloire de la republique.
"Lorsque le bonheur du peuple francais sera assis sur de meilleures lois
organiques, l'Europe entiere deviendra libre."
Ce discours etait a peine acheve, que les acclamations retentirent de
nouveau. Barras, president du directoire, repondit a Bonaparte. Son
discours etait long, diffus, peu convenable, et exaltait beaucoup la
modestie et la simplicite du heros; il renfermait un hommage adroit
pour Hoche, le rival suppose du vainqueur de l'Italie. "Pourquoi Hoche
n'est-il point ici, disait le president du directoire pour voir, pour
embrasser son ami?" Hoche, en effet, avait defendu Bonaparte l'annee
precedente avec une genereuse chaleur. Suivant la nouvelle direction
imprimee a tous les esprits, Barras proposait de nouveaux lauriers au
heros, et l'invitait a les aller cueillir en Angleterre. Apres ces
trois discours, l'hymne de Chenier fut chantee en choeur, et avec
l'accompagnement d'un magnifique orchestre. Deux generaux s'approcherent
ensuite, accompagnes par le ministre de la guerre: c'etaient le brave
Joubert, le heros du Tyrol, et Andreossy, l'un des officiers les plus
distingues de l'artillerie. Ils s'avancaient en portant un drapeau
admirable: c'e
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