ction toute naturelle, on vit
presque se recomposer le parti jacobin.
Mais c'etait la un moyen use et peu utile. Les clubs etaient
deconsideres en France, et prives par la constitution des moyens de
redevenir efficaces. Le directoire avait heureusement un autre appui;
c'etait celui des armees, chez lesquelles semblaient s'etre refugies
les principes republicains, depuis que les souffrances de la revolution
avaient amene dans l'interieur une reaction si violente et si generale.
Toute armee est attachee au gouvernement qui l'organise, l'entretient,
la recompense; mais les soldats republicains voyaient dans le directoire
non seulement les chefs du gouvernement, mais les chefs d'une cause pour
laquelle ils s'etaient leves en masse en 93, pour laquelle ils avaient
combattu et vaincu pendant six annees. Nulle part l'attachement a la
revolution n'etait plus grand qu'a l'armee d'Italie. Elle etait composee
de ces revolutionnaires du Midi, aussi impetueux dans leurs opinions
que dans leur bravoure. Generaux, officiers et soldats, etaient combles
d'honneurs, gorges d'argent, repus de plaisirs. Ils avaient concu de
leurs victoires un orgueil extraordinaire. Ils etaient instruits de ce
qui se passait dans l'interieur, par les journaux qu'on leur faisait
lire, et ils ne parlaient que de repasser les Alpes, pour aller sabrer
les aristocrates de Paris. Le repos dont ils jouissaient depuis la
signature des preliminaires, contribuait a augmenter leur effervescence
par l'oisivete. Massena, Joubert, et Augereau surtout, leur donnaient
l'exemple du republicanisme le plus ardent. Les troupes venues du Rhin,
sans etre moins republicaines, etaient cependant plus froides, plus
mesurees, et avaient contracte sous Moreau plus de sobriete et de
discipline. C'etait Bernadotte qui les commandait; il affectait une
education soignee, et cherchait a se distinguer de ses collegues par
des manieres plus polies. Dans sa division on faisait usage de la
qualification de _monsieur_, tandis que dans toute l'ancienne armee
d'Italie, on ne voulait souffrir que le titre de _citoyen_. Les
vieux soldats d'Italie, libertins, insolens, querelleurs comme des
meridionaux, et des enfans gates par la victoire, etaient deja en
rivalite de bravoure avec les soldats du Rhin; et maintenant ils
commencaient a etre en rivalite, non pas d'opinion, mais d'habitudes et
d'usages. Ils ne voulaient pas des qualifications de _monsieur_, et
pour ce motif ils echangeaient souvent de
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