es villes venitiennes, les partisans connus des
Francais; on les envoya sous les plombs, et les inquisiteurs d'etat,
encourages par ce miserable succes, se montrerent disposes a de cruelles
vengeances. On pretend qu'il fut defendu de nettoyer le canal Orfano,
qui etait destine, comme on sait, a l'horrible usage de noyer les
prisonniers d'etat. Cependant le gouvernement de Venise, tandis qu'il
se preparait a deployer les plus grandes rigueurs, cherchait a tromper
Bonaparte par des actes de condescendance apparente, et il accorda le
million par mois qui avait ete demande. L'assassinat des Francais ne
continua pas moins partout ou ils furent rencontres. La situation
devenait extremement grave, et Kilmaine envoya de nouveaux courriers
a Bonaparte. Celui-ci, en apprenant les combats livres par les
montagnards, l'evenement de Salo, ou deux cents Polonais avaient ete
faits prisonniers, l'emprisonnement de tous les partisans de la France,
et les assassinats commis sur les Francais, fut saisi de colere.
Sur-le-champ il envoya une lettre foudroyante au senat, dans laquelle
il recapitulait tous ses griefs, et demandait le desarmement des
montagnards, l'elargissement des prisonniers polonais et des sujets
venitiens jetes sous les plombs. Il chargea Junot de porter cette
lettre, de la lire au senat; et ordonna au ministre Lallemant de
sortir sur-le-champ de Venise, en declarant la guerre, si toutes les
satisfactions exigees n'etaient pas accordees.
Pendant ce temps, il descendait a pas de geant du haut des Alpes
Noriques, dans la vallee de la Mur. Sa principale esperance dans cette
marche temeraire etait la prompte entree en campagne des armees du Rhin,
et leur prochaine arrivee sur le Danube. Mais il recut une depeche
du directoire qui lui ota tout espoir a cet egard. La detresse de la
tresorerie etait si grande, qu'elle ne pouvait fournir au general Moreau
les quelques cent mille francs indispensables pour se procurer un
equipage de pont et passer le Rhin. L'armee de Hoche, qui occupait
Deux-Ponts et etait toute prete, demandait a marcher, mais on n'osait
pas la hasarder seule au-dela du Rhin, tandis que Moreau resterait
en-deca. Carnot exagerait encore dans sa depeche les retards que devait
subir l'entree en campagne des armees d'Allemagne, et ne laissait a
Bonaparte aucun espoir d'etre appuye. Celui-ci fut tres deconcerte par
cette lettre; il avait l'imagination vive, et il passait de l'extreme
confiance a l'extreme defiance. I
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