Francais. La Pologne etait un etat
dont les limites etaient clairement tracees sur la carte de l'Europe,
dont l'independance etait, pour ainsi dire, commandee par la nature,
et importait au repos de l'Occident; dont la constitution, quoique
vicieuse, etait genereuse; dont les citoyens, indignement trahis,
avaient deploye un beau courage, et merite l'interet des nations
civilisees. Venise, au contraire, n'avait de territoire naturel que ses
lagunes, car sa puissance n'avait jamais reside dans ses possessions
de terre-ferme; elle n'etait pas detruite parce que certaines de ses
provinces etaient echangees contre d'autres; sa constitution etait la
plus inique de l'Europe; son gouvernement etait abhorre de ses sujets;
sa perfidie et sa lachete ne lui donnaient aucun droit ni a l'interet,
ni a l'existence. Rien donc dans le partage des etats venitiens ne
pouvait etre compare au partage de la Pologne, si ce n'est le procede
particulier de l'Autriche.
D'ailleurs, pour se dispenser de donner de pareilles indemnites aux
Autrichiens, il fallait les chasser de l'Italie, et on ne le pouvait
qu'en traitant dans Vienne meme. Mais il aurait fallu pour cela le
concours des armees du Rhin, et on avait ecrit a Bonaparte qu'elles ne
pourraient entrer en campagne avant un mois. Il ne lui restait, dans
cette situation, qu'a retrograder, pour attendre leur entree en
campagne, ce qui exposait a bien des inconveniens; car il eut donne par
la a l'archiduc le temps de preparer une armee formidable contre lui, et
a la Hongrie de se lever en masse pour se jeter sur ses flancs. De plus,
il fallait retrograder, et presque avouer la temerite de sa marche. En
acceptant les preliminaires, il avait l'honneur d'arracher seul la
paix; il recueillait le fruit de sa marche si hardie; il obtenait des
conditions qui, dans la situation de l'Europe, etaient fort brillantes
et qui etaient surtout beaucoup plus avantageuses que celles qui avaient
ete fixees a Clarke, puisqu'elles stipulaient la ligne du Rhin et des
Alpes, et une republique en Italie. Ainsi, moitie par des raisons
politiques et militaires, moitie par des considerations personnelles, il
se decida a signer les preliminaires. Clarke n'etait pas encore arrive
au quartier-general. Avec sa hardiesse accoutumee et l'assurance que lui
donnaient sa gloire, son nom, et le voeu general pour la paix, Bonaparte
passa outre, et signa les preliminaires, comme s'il eut ete question
d'un simple armistice. La signa
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