n'etait pas
du tout son intention, car il ne voulait rien demander aux habitans
de l'Autriche, afin de se les concilier. Les fournisseurs secretement
charges par le gouvernement venitien de nourrir l'armee avaient cesse
ces fournitures. On avait ete reduit a faire des requisitions dans
les etats venitiens. "Ce moyen est vicieux, dit Bonaparte; il vexe
l'habitant, il donne lieu a d'affreuses dilapidations; donnez-moi un
million par mois pendant que durera encore cette campagne qui ne peut
pas etre longue; la republique francaise comptera ensuite avec vous,
et vous saura plus de gre de ce million que de tous les maux que vous
endurez par les requisitions. D'ailleurs vous avez nourri tous mes
ennemis, vous leur avez donne asile, vous me devez la reciprocite." Les
deux envoyes repondirent en disant que le tresor etait ruine, "S'il est
ruine, repliqua Bonaparte, prenez de l'argent dans le tresor du duc de
Modene, que vous avez recele au detriment de mes allies les Modenois;
prenez-en dans les proprietes des Anglais, des Russes, des Autrichiens,
de tous mes ennemis, que vous gardez en depot." On se separa avec
humeur. Une entrevue nouvelle eut lieu le lendemain. Bonaparte, calme,
renouvela toutes ses propositions; mais Pezaro ne fit rien pour le
satisfaire, et promit seulement d'informer le senat de toutes ses
demandes. Alors Bonaparte, dont l'irritation commencait a ne plus
se contenir, prit Pezaro par le bras et lui dit: "Au reste, je vous
observe, je vous devine; je sais ce que vous me preparez; mais prenez-y
garde! si, pendant que je serai engage dans une entreprise lointaine,
vous assassiniez mes malades, vous attaquiez mes depots, vous menaciez
ma retraite, vous auriez decide votre ruine. Ce que je pourrais
pardonner pendant que je suis en Italie, serait un crime irremissible
pendant que je serai engage en Autriche. Si vous prenez les armes, vous
decidez ou ma perte ou la votre. Songez-y donc, et n'exposez pas le lion
valetudinaire de Saint-Marc contre la fortune d'une armee qui trouverait
dans ses depots et ses hopitaux de quoi franchir vos lagunes et vous
detruire." Ce langage energique effraya, sans les convaincre, les
envoyes venitiens, qui ecrivirent sur-le-champ le resultat de cette
conference. Bonaparte ecrivit aussitot a Kilmaine pour lui ordonner de
redoubler de vigilance, de punir les commandans francais s'ils sortaient
des limites de la neutralite, et de desarmer tous les montagnards et les
paysans.
Les ev
|