re. L'autre avait etonne l'Europe par la
fecondite et l'audace de ses combinaisons, il ne craignait rien au
monde. Modeste jusqu'a Lodi, il ne croyait maintenant aucun genie egal
au sien, et aucun soldat egal au soldat francais. Le 26 ventose (16
mars) au matin, Bonaparte dirigea ses trois divisions par Valvasone, sur
les bords du Tagliamento. Ce fleuve, dont le lit est mal trace, roule
des Alpes sur des graviers, et se divise en une multitude de bras, tous
gueables. L'armee autrichienne etait deployee sur l'autre rive, couvrant
les greves du fleuve de ses boulets, et tenant sa belle cavalerie
deployee sur ses ailes, pour en profiter sur ces plaines si favorables
aux evolutions.
Bonaparte laissa la division Serrurier en reserve a Valvasone, et porta
les deux divisions Guyeux et Bernadotte, la premiere a gauche, faisant
face au village de Gradisca ou etait loge l'ennemi; la seconde a droite,
en face de Godroipo. La canonnade commenca, et il y eut quelques
escarmouches de cavalerie sur les graviers. Bonaparte, trouvant l'ennemi
trop prepare, feignit de donner du repos a ses troupes, fit cesser le
feu, et ordonna de commencer la soupe. L'ennemi trompe crut que les
divisions ayant marche toute la nuit allaient faire une halte et prendre
du repos. Mais a midi, Bonaparte fait tout a coup reprendre les armes.
La division Guyeux se deploie a gauche, la division Bernadotte a droite.
On forme les bataillons de grenadiers. En tete de chaque division, se
place l'infanterie legere, prete a se disperser en tirailleurs, puis les
grenadiers qui doivent charger, et les dragons qui doivent les appuyer.
Les deux divisions sont deployees en arriere de ces deux avant-gardes.
Chaque demi-brigade a son premier bataillon deploye en ligne, et les
deux autres ployes en colonne serree sur les ailes du premier. La
cavalerie est destinee a voltiger sur les ailes. L'armee s'avance ainsi
vers les bords du fleuve, et marche au combat avec le meme ordre et la
meme tranquillite que dans une parade.
Le general Dammartin a gauche, le general Lespinasse a droite, font
approcher leur artillerie. L'infanterie legere se disperse, et couvre
les bords du Tagliamento d'une nuee de tirailleurs. Alors Bonaparte
donne le signal. Les grenadiers des deux divisions entrent dans l'eau,
appuyes par des escadrons de cavalerie, et s'avancent sur l'autre rive.
"Soldats du Rhin, s'ecrie Bernadotte, l'armee d'Italie vous regarde!"
Des deux cotes on s'elance avec la meme b
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