-cents; il se targuait d'une influence qu'il n'avait pas; il
pretendait donner au directoire des avis perfides, et l'induire a des
determinations dangereuses; il s'attribuait la longue resistance de
Kehl, qu'il disait avoir conseillee pour compromettre l'armee. On
comptait peu sur ces pretendus services. M. le comte de Bellegarde
ecrivait: "Nous sommes dans la situation du joueur qui veut regagner
son argent, et qui s'expose a perdre encore pour recouvrer ce qu'il a
perdu." Les generaux autrichiens continuaient cependant a correspondre,
parce qu'a defaut de grands desseins, ils recueillaient au moins de
precieux details sur l'etat et les mouvemens de l'armee francaise. Les
infames agens de cette correspondance envoyaient au general Klinglin les
etats et les plans qu'ils pouvaient se procurer. Pendant le siege de
Kehl, ils n'avaient cesse d'indiquer eux-memes les points sur lesquels
le feu ennemi pouvait se diriger avec le plus d'effet.
Tel etait donc alors le role miserable de Pichegru. Avec un esprit
mediocre, il etait fin et prudent, et avait assez de tact et
d'experience pour croire tout projet de contre-revolution inexecutable
dans le moment. Ses eternels delais, ses fables pour amuser la credulite
des agens du prince, prouvent sa conviction a cet egard; et sa conduite
dans des circonstances importantes le prouvera mieux encore. Il n'en
recevait pas moins le prix des projets qu'il ne voulait pas executer, et
avait l'art de se le faire offrir sans le demander.
Du reste, c'etait la la conduite de tous les agens du royalisme. Ils
mentaient avec impudence, s'attribuaient une influence qu'ils n'avaient
pas, et pretendaient disposer des hommes les plus importans, sans
leur avoir jamais adresse la parole. Brottier, Duverne de Presle et
Laville-Heurnois se vantaient de disposer d'un grand nombre de deputes
dans les deux conseils, et se promettaient d'en avoir bien plus encore
apres de nouvelles elections. Il n'en etait rien cependant; ils ne
communiquaient qu'avec le depute Lemerer et un nomme Mersan, qui avait
ete exclu du corps legislatif, en vertu de la loi du 3 brumaire contre
les parens d'emigres. Par Lemerer ils pretendaient avoir tous les
deputes composant la reunion de Clichy. Ils jugeaient, d'apres les
discours et la maniere de voter de ces deputes, qu'ils applaudiraient
probablement a la restauration de la monarchie, et ils se croyaient
autorises par la a offrir d'avance leur devouement et meme leur repentir
au
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