t rien a esperer, songea a prendre ses precautions,
et a pourvoir a tout ce qui lui manquait, par son moyen ordinaire, la
rapidite et la vivacite des coups.
Il avait soixante et quelques mille hommes de troupes, telles que
l'Europe n'en avait jamais vu. Il voulait en laisser dix mille en
Italie, qui, reunis aux bataillons lombards et cispadans, formeraient
une masse de quinze ou dix-huit mille hommes, capables d'imposer aux
Venitiens. Il lui restait cinquante et quelques mille combattans, dont
il allait disposer de la maniere suivante. Trois routes conduisaient
a travers les Alpes Rhetiennes, Noriques et Juliennes a Vienne: la
premiere a gauche, traversant le Tyrol au col du Brenner; la seconde au
centre, traversant la Carinthie au col de Tarwis; la troisieme a
droite, passant le Tagliamento et l'Izonzo, et conduisant en Carniole.
L'archiduc Charles avait le gros de ses forces sur l'Izonzo, gardant
la Carniole et couvrant Trieste. Deux corps, l'un a Feltre et Bellune,
l'autre dans le Tyrol, occupaient les deux autres chaussees. Par la
faute qu'avait commise l'Autriche de ne porter que fort tard ses forces
en Italie, six belles divisions detachees du Rhin n'etaient point encore
arrivees. Cette faute aurait pu etre reparee en partie, si l'archiduc
Charles, placant son quartier-general dans le Tyrol, avait voulu operer
sur notre gauche. Il aurait recu quinze jours plus tot les six divisions
du Rhin; et certainement alors, Bonaparte, loin de filer sur la droite
par la Carinthie ou la Carniole, aurait ete oblige de le combattre, et
d'en finir avec lui avant de se hasarder au-dela des Alpes. Il l'aurait
trouve alors avec ses plus belles troupes, et n'en aurait pas eu aussi
bon marche. Mais l'archiduc avait ordre de couvrir Trieste, seul port
maritime de la monarchie. Il s'etablit donc au debouche de la Carniole,
et ne placa que des corps accessoires sur les chaussees de la Carinthie
et du Tyrol. Deux des divisions, parties du Rhin, devaient venir
renforcer le general Kerpen dans le Tyrol; les quatre autres devaient
filer par derriere les Alpes, a travers la Carinthie et la Carniole,
et rejoindre le quartier-general dans le Frioul. On etait en ventose
(mars). Les Alpes etaient couvertes de neiges et de glace: comment
imaginer que Bonaparte songeat a gravir dans ce moment la crete des
Alpes?
Bonaparte pensa qu'en se jetant sur l'archiduc, avant l'arrivee des
principales forces du Rhin, il enleverait plus facilement les debou
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