nsiderables.
Pichegru avait devant lui trois exemples, tous trois fort differents,
celui de Bouille, de Lafayette et de Dumouriez, qui lui prouvaient
qu'entrainer une armee etait chose impossible. Il voulait donc se mettre
dans l'impuissance de rien tenter, et c'est la ce qui explique la
demande de sa demission, que le directoire, ignorant encore tout a fait
sa trahison, ne lui accorda d'abord qu'a regret. Le prince de Conde et
ses agens furent fort surpris de la conduite de Pichegru, et crurent
qu'il leur avait escroque leur argent, et qu'au fond il n'avait jamais
voulu les servir. Mais a peine destitue, Pichegru retourna sur les bords
du Rhin, sous pretexte de vendre ses equipages, et passa ensuite dans le
Jura, qui etait son pays natal. De la il continua a correspondre avec
les agens du prince, et leur presenta sa demission comme une combinaison
tres-profonde. Il allait, disait-il, etre considere comme une victime du
directoire, il allait se lier avec tous les royalistes de l'interieur
et se faire un parti immense; son armee, qui passait sous les ordres
de Moreau, le regrettait vivement, et, au premier revers qu'elle
essuyerait, elle ne manquerait pas de reclamer son ancien general, et de
se revolter pour qu'on le lui rendit. Il devait profiter de ce moment
pour lever le masque, accourir a son armee, se donner la dictature, et
proclamer la royaute. Ce plan ridicule, eut-il ete sincere, aurait ete
dejoue par les succes de Moreau, qui, meme pendant sa fameuse retraite,
n'avait cesse d'etre victorieux. Le prince de Conde, les generaux
autrichiens qu'il avait ete oblige de mettre dans la confidence, le
ministre anglais en Suisse, Wickam, commencaient a croire que Pichegru
les avait trompes. Ils ne voulaient plus continuer cette correspondance;
mais sur les instances des agens intermediaires, qui ne veulent jamais
avoir fait une vaine tentative, la correspondance fut continuee, pour
voir si on en tirerait quelque profit. Elle se faisait par Strasbourg,
au moyen de quelques espions qui passaient le Rhin et se rendaient
aupres du general autrichien Klinglin; et aussi par Bale, avec le
ministre anglais Wickam. Pichegru resta dans le Jura sans accepter ni
refuser l'ambassade de Suede, qu'on lui proposa, mais travaillant a se
faire nommer depute, payant les agens du prince des plus miserables
promesses du monde, et recevant toujours des sommes considerables.
Il faisait esperer les plus grands resultats de sa nomination aux
cinq
|