journaux royalistes, elle
attirait assez peu l'attention, et ne diminuait en rien le respect dont
Larevelliere-Lepaux etait entoure.
Celui des directeurs qui nuisait veritablement a la consideration du
gouvernement, c'etait Barras. Sa vie n'etait pas simple et modeste comme
celle de ses collegues; il etalait un luxe et une prodigalite que sa
participation aux profits des gens d'affaires pouvait seule expliquer.
Les finances etaient dirigees avec une probite severe par la majorite
directoriale, et par l'excellent ministre Ramel; mais on ne pouvait pas
empecher Barras de recevoir des fournisseurs ou des banquiers qu'il
appuyait de son influence, des parts de benefices assez considerables.
Il avait mille moyens encore de fournir a ses depenses: la France
devenait l'arbitre de tant d'etats grands et petits, que beaucoup de
princes devaient rechercher sa faveur, et payer de sommes considerables
la promesse d'une voix au directoire. On verra plus tard ce qui fut
tente en ce genre. La representation que deployait Barras aurait pu
n'etre pas inutile, car des chefs d'etat doivent frequenter beaucoup
les hommes pour les etudier, les connaitre et les choisir; mais il
s'entourait, outre les gens d'affaires, d'intrigans de toute espece,
de femmes dissolues et de fripons. Un cynisme honteux regnait dans ses
salons. Ces liaisons clandestines qu'on prend a tache, dans une societe
bien ordonnee, de couvrir d'un voile, etaient publiquement avouees. On
allait a Gros-Bois se livrer a des orgies, qui fournissaient aux ennemis
de la republique de puissans argumens contre le gouvernement. Barras
du reste ne cachait en rien sa conduite, et, suivant la coutume des
debauches, aimait a publier ses desordres. Il racontait lui-meme devant
ses collegues, qui lui en faisaient quelquefois de graves reproches, ses
hauts faits de Gros-Bois et du Luxembourg; il racontait comment il avait
force un celebre fournisseur du temps de se charger d'une maitresse
qui commencait a lui etre a charge, et aux depenses de laquelle il ne
pouvait plus suffire; comment il s'etait venge sur un journaliste,
l'abbe Poncelin, des invectives dirigees contre sa personne; comment,
apres l'avoir attire au Luxembourg, il l'avait fait fustiger par ses
domestiques. Cette conduite de prince mal eleve, dans une republique,
nuisait singulierement au directoire, et l'aurait deconsidere
entierement, si la renommee des vertus de Carnot et de Larevelliere
n'eut contre-balance le mauvais
|