t surpris,
Les bois m'ont cache le reste.
Pan, et la Terre, et Sylvain,
En ont pu voir davantage;
Jamais ne s'egare en vain
Une nymphe de ton age.
Les Zephyrs ont murmure,
Philomele a soupire
Sa chanson melodieuse;
Le ciel est plus azure,
Venus est plus radieuse.
Nymphe aimable, ah! ne crains pas
Que mon indiscrete lyre
Ose fletrir tes appas
En publiant ton delire;
J'aimai: j'excuse l'amour.
Pars sans bruit: qu'a ton retour
Nul echo ne te decele,
Et que jusqu'au dernier jour
Ton amant te soit fidele!
Si, perfide a ses serments,
Helas! il devient volage,
Du coeur je sais les tourments,
Et ma lyre les soulage;
Je chanterai dans ces lieux:
Des pleurs mouilleront tes yeux
Au souvenir du parjure,
Mais ces pleurs delicieux
D'amour calment la blessure.
Dans cette adorable piece, comme le rhythme sert bien l'intention, et
tout a la fois exprime le malin, le tendre et le melancolique! Comme
cette strophe de neuf vers dejoue a temps et derobe vers la fin la
majeste de la strophe de dix, et la piquant, l'excitant d'une rime
redoublee, la tourne soudain et l'incline d'une chute aimable a
la grace! Fontanes sentait tout le prix du rhythme; il le variait
curieusement, il l'inventait. Dans la touchante piece intitulee _Mon
Anniversaire_[145], il fait une strophe expres conforme a la marche
attristee, resignee et finalement tombante de sa pensee. Il aimait a
employer ce rhythme de cinq vers de dix syllabes, depuis si cher a
Lamartine, et qui n'avait qu'a peine ete traite encore, soit au XVIIe
siecle[146], soit meme au XVIe. Sur les rimes, il a les idees les plus
justes; il en aime la richesse, mais sans recherche opiniatre: "Une
affectation continue de rimes trop fortes et trop marquees donnerait,
pense-t-il[147], une pesante uniformite a la chute de tous les vers."
On dirait qu'il entend de loin venir cette strophe magnifique et
formidable, trop pareille au guerrier du Moyen Age qui marche tout arme
et en qui tout sonne. En garde contre le relachement de Voltaire, il
est, lui, pour l'excellent gout de Racine et de Boileau, _qui font
naitre une harmonie variee d'un adroit melange de rimes, tantot riches
et tantot exactes_. Andre Chenier sur ce point ne pratique pas mieux.
[Note 145: L'idee en est prise d'une epigramme d'Archias de Mitylene,
mais combien embellie!]
[Note 146: Je trouve, au XVIIe siecle, une piece de vers dans ce
rhythme, par un abbe de V
|