eillee, lisait Pitt, Fox,
venait a en parler, et se rejetait a l'espoir d'un gouvernement libre
et debattu, comme en Angleterre: "Allons, allons, lui disait M. de
Fontanes, vous vous gaterez le gout avec toutes ces lectures. Que
feriez-vous sous un gouvernement representatif? Bedoch vous passerait!"
Mot charmant, dont une moitie au moins reste plus vraie qu'on n'ose
le dire! N'est-ce pas surtout dans les gouvernements de majorite, si
excellents a la longue pour les garanties et les interets, que le gout
souffre et que _les delicats sont malheureux_?
La parole vive, spirituelle, brillante, y a son jeu, son succes, je le
sais bien; mais, tout a cote, la parole pesante y a son poids. Qu'y
faire? On ne peut tout unir. On avance beaucoup sur plusieurs points,
on perd sur un autre; l'utile dominant se passe aisement du fin, et le
Bedoch (puisque Bedoch il y a) ne se marie que de loin avec le Louis
XIV.
Nous en conviendrons d'ailleurs, M. de Fontanes n'aimait point assez
sans doute les difficultes des choses; il n'en avait pas la patience: et
l'on doit regretter pour son beau talent de prose qu'il ne l'ait jamais
applique a quelque grand sujet approfondi. L'_Histoire de Louis XI_
qu'il avait commencee est restee imparfaite; une _Histoire de France_,
dont il parlait beaucoup, n'a guere ete qu'un projet. Lui-meme cite
quelque part Montesquieu, lequel, a propos des lois ripuaires,
visigothes et bourguignonnes, dont il debrouille le chaos, se compare
a Saturne, _qui devore des pierres_. L'estomac de son esprit, a lui,
n'etait pas de cette force-la. Son ami Joubert, en le conviant un peu
naivement a la lecture de Marculphe, avait soin toutefois de ne lui
conseiller que la preface. Son imagination l'avait fait, avant tout,
poete, c'est-a-dire volage.
On est curieux de savoir, dans ce role important et prolonge de Fontanes
au sein de la litterature, soit avant 89, soit depuis 1800, quelle
etait sa relation precise avec Delille. Etait-il disciple, etait-il
rival?--Ayant debute en 1780, c'est-a-dire dix ans apres le traducteur
des Georgiques, Fontanes le considerait comme maitre, et en toute
occasion il lui marqua une respectueuse deference. Mais il est aise
de sentir qu'il le loue plus qu'il ne l'adopte, et que, depuis
la traduction des Georgiques, il le juge en relachement de gout.
D'ailleurs, il appuya l'Homme des Champs dans le Mercure [152]; lorsqu'il
s'agit de retablir l'absent boudeur sur la liste de l'Institut, il prit
s
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