ur lui de faire la demarche, et, sans avoir consulte Delille, il se
porta garant de son acceptation. Les choses entre eux en resterent la,
dans une mesure parfaitement decente, plus froide pourtant que ces
temoignages ne donneraient a penser. Delille n'avait qu'un mediocre
empressement vers Fontanes. En poesie et en art, on est dispense d'aimer
ses heritiers presomptifs, et Fontanes a pu parfois sembler a Delille
un heritier collateral, qui aurait ete quelque peu un assassin, si
l'indolent avait voulu. Mais sa poesie craignait le public et la vitre
des libraires plus encore que celle du brillant descriptif ne les
cherchait.
[Note 152: Fructidor an VIII. On y trouve encore un article de lui sur
la nouvelle edition des Jardins, fructidor an IX.]
On peut se faire aujourd'hui une autre question dont nul ne s'avisait
dans le temps: Quelle fut la relation de Fontanes a Millevoye?--Fontanes
est un maitre, Millevoye n'est qu'un eleve. Venu aux Ecoles centrales
peu apres que la proscription de Fructidor en eut eloigne Fontanes,
Millevoye ne put avoir avec lui que des rapports tout a fait rares et
inegaux. Mais la consideration, qui est tant pour les contemporains,
compte bien peu pour la posterite; celle-ci ne voit que les restes du
talent; en recitant _la Chute des Feuilles_, elle songe au _Jour des
Morts_, et elle marie les noms.
Millevoye n'eut jamais ete pour personne un heritier presomptif bien
vivace et bien dangereux: mais Lamartine naissant!... qu'en pensa
Fontanes? Il eut le temps, avant de mourir, de lire les premieres
_Meditations_: je doute qu'il se soit donne celui de les apprecier.
Denue de tout sentiment jaloux, il avait ses idees tres-arretees en
poesie francaise et tres-negatives sur l'avenir. Il admettait la
regeneration par la prose de Chateaubriand, point par les vers: "_Tous
les vers sont faits_, repetait-il souvent avec une sorte de depit
involontaire, _tous les vers sont faits!_" c'est-a-dire il n'y a plus
a en faire apres Racine. Il s'etait trop redit cela de bonne heure a
lui-meme dans sa modestie pour ne pas avoir quelque droit, en finissant,
de le redire sur d'autres dans son impatience.
Mais nous avons anticipe. Les evenements de 1813 remirent politiquement
en evidence M. de Fontanes. Au Senat ou il siegeait depuis sa sortie du
Corps legislatif, il fut charge, d'apres le desir connu de l'Empereur,
du rapport sur l'etat des negociations entamees avec les puissances
coalisees, et sur la rupture
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