stingue le talent de M. de Fontanes, et qui en fait quelque chose
de nouveau par le sentiment en meme temps que d'ancien par le ton. Sa
strophe, accommodee a Rollin, aurait deplore tout haut la ruine du
_Chateau de Colombe_, et note a sa maniere _la Bande noire_, contre
laquelle allait tonner Victor Hugo. Les chants de _la Grece sauvee_
auraient pris soudainement un interet de circonstance, et trouve dans le
sentiment public eveille un echo inattendu.
Aujourd'hui, au contraire, il est tard; plusieurs de ces poesies, qui
n'ont jamais paru, ont eu le temps de fleurir et de defleurir dans
l'ombre: elles arrivent au jour pour la premiere fois dans une forme
deja passee; elles ont manque leur heure. Mais, du moins, il en est
quelques-unes pour qui l'heure ne compte pas, simples graces que
l'haleine divine a touchees en naissant, et qui ont la jeunesse
immortelle. Celles-ci viennent toujours a temps, et d'autant mieux
aujourd'hui que l'ardeur de la querelle litteraire a cesse, et qu'on
semble dispose par fatigue a quelque retour. Quoi qu'il en soit, ce
recueil s'adresse et se confie particulierement a ceux qui ont encore de
la piete litteraire.
C'est une urne sur un tombeau: qu'y a-t-il d'etonnant que quelques-unes
des couronnes de l'autre hier y soient deja fanees? J'y vois une
harmonie de plus, un avertissement aux jeunes orgueils de ce qu'il y a
de sitot perissable dans chaque gloire.
M. de Fontanes represente exactement le type du gout et du talent
poetique francais dans leur purete et leur atticisme, sans melange de
rien d'etranger, gout racinien, fenelonien, grec par instants, toutefois
bien plus latin que grec d'habitude, grec par Horace, latin du temps
d'Auguste, voltairien du siecle de Louis XIV. Je crois pouvoir le dire:
celui qui n'aurait pas en lui de quoi sentir ce qu'il y a de delicat,
d'exquis et d'a peine marque dans les meilleurs morceaux de Fontanes,
le petit parfum qui en sort, pourrait avoir mille qualites fortes et
brillantes, mais il n'aurait pas une certaine finesse legere, laquelle
jusqu'ici n'a manque pourtant a aucun de ceux qui ont excelle a leur
tour dans la litterature francaise. Le temps peut-etre est venu ou
de telles distinctions doivent cesser, et nous marchons (des voix
eloquentes nous l'assurent) a la grande unite, sinon a la confusion, des
divers gouts nationaux, a l'alliance, je le veux croire, de tous les
atticismes. En attendant, M. de Fontanes nous a semble interessant a
regarder
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