au contraire, que la redaction de cet acte
est de Lambrechts.]
On etait en 1778; deux beaux-esprits qui voulaient percer, M. d'Oigny
et M. de Murville, concouraient pour le prix de vers a l'Academie
francaise. Quelques jours avant le terme de cloture fixe pour la
reception des pieces, M. d'Oigny va trouver M. de Fontanes et lui dit:
"Je concours pour le prix, mais ma piece n'est pas encore faite, il y
manque une soixantaine de vers; je n'ai pas le temps, faites-les-moi."
Et M. de Fontanes les lui fit. M. de Murville, sachant cela, accourt a
son tour vers M. de Fontanes: "Ne me refusez pas, je vous en prie,
le meme service." Et le service ne fut pas refuse. On ajoute que les
passages des deux pieces, que cita avec eloge l'Academie, tomberent
juste aux vers de Fontanes.
Ce que M. de Fontanes, poete, etait en 1778, il l'etait encore en 1814
et 1815; l'anecdote, au besoin, peut servir de clef[156].--Les sentiments,
en tout temps publies ou consignes dans ses vers, font foi de la
sincerite avec laquelle, au milieu de ses regrets, il dut accueillir
le retour de la race de Henri IV. Encore Grand-Maitre lors de la
distribution des prix de 1814, il put, dans son discours, avec un cote
de verite qui devenait la plus habile transition, expliquer ainsi
l'esprit de l'Universite sous l'Empire: "Resserree dans ses fonctions
modestes, elle n'avait point le droit de juger les actes politiques;
mais les vraies notions du juste et de l'injuste etaient deposees dans
ces ouvrages immortels dont elle interpretait les maximes. Quand le
caractere et les sentiments francais pouvaient s'alterer de plus en
plus par un melange etranger, elle faisait lire les auteurs qui les
rappellent avec le plus de grace et d'energie. L'auteur du _Telemaque_
et Massillon prechaient eloquemment ce qu'elle etait obligee de taire
devant le Genie des conquetes, impatient de tout perdre et de se perdre
lui-meme dans l'exces de sa propre ambition. En retablissant ainsi
l'antiquite des doctrines litteraires, elle a fait assez voir, non sans
quelque peril pour elle-meme, sa predilection pour l'antiquite des
doctrines politiques.
[Note 156: Fontanes, litterateur, aimait l'anonyme ou meme, le
pseudonyme. Il publia la premiere fois sa traduction en vers du passage
de Juvenal sur Messaline sous le nom de Thomas, et, pour soutenir le
jeu, il commenta le morceau avec une part d'eloges. Il essaya d'abord
ses vers sur _la Bible_ en les attribuant a Le Franc de Pompignan.
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