uent la place fidele
Ou le matin elle a fleuri.
Nous saisissons sur le fait la contradiction naive chez Fontanes: le
lendemain de cette ode toute grecque, il retrouvait les tons chretiens
les plus serieux, les mieux sentis, en deplorant avec M. de Bonald _la
Societe sans Religion_[148]. Je l'ai dit, l'epicurien dans le poete etait
tout a cote du chretien, et cela si naturellement, si bonnement! il y a
en lui du La Fontaine. Ce cabinet favori nous represente bien sa double
vue d'imagination: tout pres le buste de Venus, la-bas les clochers de
Saint-Denis!
[Note 148: Cette belle ode, dans l'intention du poete, devait etre, en
effet, dediee a l'illustre penseur.]
Ce parfum de simplicite grecque, cet extrait de grace, antique, qu'on
respire dans quelques petites odes de Fontanes, le rapproche-t-il
d'Andre Chenier? Ce dernier a, certes, plus de puissance et de hardiesse
que Fontanes, plus de nouveaute dans son retour vers l'antique; il sait
mieux la Grece, et il la pratique plus avant dans ses vallons retires
ou sur ses sauvages sommets. Mais Andre Chenier, en sa frequentation
meditee, et jusqu'en sa plus libre et sa plus charmante allure, a du
studieux a la fois et de l'etrange; il sait ce qu'il fait, et il
le veut; son effort d'artiste se marque meme dans son triomphe. Au
contraire, dans le petit nombre de pieces par lesquelles il rappelle
l'idee de la beaute grecque (les stances _a une jeune Anglaise_, l'ode
_a une jeune Beaute, au Buste de Venus, au Pecheur_), Fontanes n'a pas
trace d'effort ni de ressouvenir; il a, comme dans la Grece du meilleur
temps, l'extreme simplicite de la ligne, l'oubli du tour, quelque chose
d'exquis et en meme temps d'infiniment leger dans le parfum. Par ces
cinq ou six petites fleurs, il est attique comme sous Xenophon, et pas
du tout d'Alexandrie. Si, dans la comparaison avec Chenier a l'endroit
de la Grece, Fontanes n'a que cet avantage, on en remarquera du moins la
rare qualite. Il y a pourtant des endroits ou il s'essaye directement,
lui aussi, a l'imitation de la forme antique: il y reussit dans l'ode
_au jeune Patre_, et dans quelques autres. Mais les habitudes du style
poetique du XVIIIe et meme du XVIIe siecle, familieres a Fontanes, vont
mal avec cette tournure hardie, avec ce relief heureux et rajeunissant,
ici necessaire, qu'Andre Chenier possede si bien et qu'atteignit meme
Ronsard.
Malgre tout, je veux citer comme un bel echantillon du succes de
Fontanes dans cette ins
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