nt du coeur denote dans le poete ce qui etait dans
tout l'homme chez Fontanes, une inepuisable humanite, une facilite
plutot extreme. Jamais il ne laissa une lettre de pauvre solliciteur
sans y repondre; et il n'y repondait pas seulement par un faible don,
comme on fait trop souvent en se croyant quitte: il y repondait de
sa main avec une delicatesse, un raffinement de bonte: _haud
ignara mali_.--On aime, dans un poete virgilien, a entremeler ces
considerations au talent, a les en croire voisines.
Les petites pieces delicieuses, a la facon d'Horace, nous semblent le
plus precieux, le plus sur de l'heritage poetique de Fontanes. Elles
sont la plupart datees de Courbevoie, son Tibur: moins en faveur (somme
toute et malgre le pardon de Fontainebleau) depuis 1809[144], plus libre
par consequent de ses heures, il y courait souvent et y faisait des
sejours de plus en plus goutes. Les Stances _a une jeune Anglaise_, qui
se rapportaient a un bien ancien souvenir, ne lui sont peut-etre venues
que la, dans cette veine heureuse. Purete, sentiment, discretion, tout
en fait un petit chef-d'oeuvre, a qui il ne manque que de nous etre
arrive par l'antiquite. C'est comme une figure grecque, a lignes
extremement simples, une virginale esquisse de la Venuste ou de la
Pudeur, a peine tracee dans l'agate par la main de Pyrgotele. IL en
faut dire autant de l'ode: _Ou vas-tu, jeune Beaute_? Tout y est d'un
Anacreon chaste, sobre et attendri. Fontanes aimait a la reciter aux
nouvelles mariees, lorsqu'elles se hasardaient a lui demander des vers:
[Note 144: La defaveur cessant, il resta un refroidissement au moins
politique, et ce lut un arret definitif de fortune.]
Ou vas-tu, jeune Beaute?
Bientot Vesper va descendre;
Dans cet asile ecarte
La nuit pourra te surprendre;
Du haut d'un tertre lointain,
J'ai vu ton pied clandestin
Se glisser sous la bruyere:
Souvent ton oeil incertain
Se detournait en arriere.
Mais ton pas s'est ralenti,
Il s'arrete, et lu chancelles;
Un bruit sourd a retenti.
Tu sens des craintes nouvelles:
Est-ce un faon qui te fait peur?
Est-ce la voix de ta soeur
Qui t'appelle a la veillee?
Est-ce un Faune ravisseur
Qui souleve la fouillee?
Dieux! un jeune homme parait,
Dans ces bois il suit la route,
T'appelant d'un doigt discret
Au plus epais de leur voute:
Il s'approche, et tu souris;
Diane sous ces abris
Derobe son front modeste:
Un doux baiser t'es
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