ue trop!
Rose sortit en chancelant, mais comme elle se dirigeait vers la chambre
de sa soeur, on l'entendit rouler sur le plancher du corridor. Les deux
dames Bricolin accoururent effrayees. Rose etait evanouie et comme
morte.
On s'empressa de porter Rose dans la chambre ou Marcelle ecrivait en
l'attendant, sans se douter de l'orage ou s'agitait sa pauvre amie.
Elle l'entoura des plus tendres soins et eut seule la presence d'esprit
d'envoyer voir dans le bourg si le medecin n'etait pas reparti. Il vint,
et trouva la jeune fille dans une violente contraction nerveuse. Elle
avait les membres raidis, les dents serrees, les levres bleuatres. La
connaissance lui revint quand on eut execute quelques prescriptions;
mais son pouls passa d'une atonie effrayante a une ardente energie.
La fievre brillait dans ses grands yeux noirs, et elle parlait avec
agitation, sans trop savoir a qui. Frappee de lui entendre prononcer
plusieurs fois de suite le nom de Grand-Louis, Marcelle reussit a
eloigner ses parents alarmes et a rester seule avec elle, tandis que
le medecin se rendait aupres de mademoiselle Bricolin l'ainee, qui
commencait a presenter des symptomes de fureur comme la veille.
--Ma chere Rose, dit Marcelle en pressant sa compagne dans ses bras,
vous avez du chagrin, c'est la cause de votre mal. Apaisez-vous; demain
vous me conterez tout cela, et je ferai tout au monde pour voir cesser
vos peines. Qui sait si je ne trouverai pas quelque moyen?
--Ah! vous etes un ange, vous, repondit Rose en se jetant a son cou.
Mais vous ne pouvez rien pour moi. Tout est perdu, tout est rompu, Louis
est chasse de la maison; mon pere, qui le protegeait ce matin, le hait
et le maudit ce soir. Je suis trop malheureuse, en verite!
--Vous l'aimez donc bien? dit Marcelle etonnee.
--Si je l'aime! s'ecria Rose; puis-je ne pas l'aimer! Et quand donc en
avez-vous doute?
--Hier encore, Rose, vous n'en conveniez pas.
--C'est possible, je n'en serais peut-etre jamais convenue si on ne
l'eut pas persecute, si on ne m'eut pas poussee a bout comme on l'a
fait aujourd'hui. Imaginez-vous, dit-elle en parlant d'une maniere
precipitee, et en tenant a deux mains son front brulant, qu'ils ont
cherche a l'humilier devant moi, a l'avilir a mes yeux, parce qu'il
est pauvre et qu'il ose m'aimer! Ce matin, quand on l'accablait de
railleries, j'etais lache; j'etais en colere, et je n'osais pas le
faire paraitre. Je l'ai laisse vilipender sans songer a le
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