me promenant.
--Ne serait-ce pas le mien, par hasard?
--Tu l'as dit. C'est la vieille Sophie qui ne vaut pas les fers qu'elle
use.
--Excusez, mon oncle! dit le meunier moitie content, moitie fache. Je
tiens a Sophie; elle vaut mieux que... bien des gens! Diable, vous
n'etes pas gene de m'avoir vole Sophie! Et moi qui vous aurais confie la
cle de mon moulin! Voyez-vous ce vieux hypocrite.
--Taisez-vous, mon neveu, vous parlez sottement, reprit Cadoche avec
gravite: il ferait beau voir qu'un oncle n'eut pas le droit de se servir
de la jument de son neveu! Ce qui est a vous est a moi, puisque, par mes
intentions et mon testament, ce qui est a moi est a vous.
--A la bonne heure! repondit le meunier; _leguez-moi_ Sophie, leguez,
leguez, mon oncle, j'accepte ca. Il est tout de meme heureux que vous
n'ayez pas eu le temps de la vendre.... Vieux coquin, va! murmura-t-il
entre ses dents.
--Qu'est-ce que tu dis? repliqua le mendiant.
--Rien, mon oncle, dit le meunier, qui s'apercut que le vieillard avait
une sorte de rale convulsif. Je dis que vous avez bien fait: si c'etait
votre plaisir de demander l'aumone a cheval!
--Avez-vous fini, notaire, reprit Cadoche d'une voix eteinte. Vous
ecrivez bien lentement! Je me sens assoupi. Depechez-vous donc,
paresseux de tabellion!
--C'est fait, dit le notaire. Savez-vous signer?
--Mieux que vous! repondit Cadoche. Mais je n'y vois pas. Il me faudrait
mes lunettes et une prise de tabac.
--Voila, dit la meuniere.
--C'est bien, reprit-il apres avoir savoure sa prise de tabac avec
delices. Ca me remet. Allons, je ne suis pas mort, quoique je souffre
comme un possede.
Il jeta les yeux sur le testament et dit:--Ah! vous n'avez pas oublie le
pot de fer et _son contenu_?
--Non, certes! repondit M. Tailland.
--Vous avez bien fait, repondit Cadoche d'un air profondement ironique,
quoique tout ce que que je vous ai dit la-dessus soit un conte pour me
moquer de vous!
--J'en etais bien sur, dit le meunier d'un air joyeux; si vous aviez eu
cet argent-la, vous l'auriez rendu a qui de droit. Vous avez toujours
ete un honnete homme, mon oncle... quoique vous m'ayez vole ma jument;
mais c'etait une de vos faceties: vous l'auriez ramenee! Allons, ne
signez pas celle betise-la; je n'ai pas besoin de vos nippes, et ca peut
faire plaisir a quelque pauvre: vous avez peut-etre, d'ailleurs, quelque
parent a qui je ne veux pas faire tort de vos derniers sous.
--Je n'ai pas d
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