e l'autre est un accident, un chagrin
qu'elle a eu de la mort de son amant...
--Que vous ne lui aviez pas permis d'epouser!
--Monsieur, vous n'en savez rien; nous le lui aurions peut-etre permis,
si nous avions su que ca devait tourner si mal. Mais Rose, Monsieur,
c'est une fille bien organisee, bien raisonnable, et, Dieu merci, ce
n'est pas un mal hereditaire chez nous. Il n'y a jamais eu de fous, que
je sache, dans la famille des Bricolin ni dans celle des Thibaut! Moi,
j'ai toujours eu la tete froide et forte; j'ai d'autres filles qui sont
comme moi: je ne concois pas pourquoi Rose ne l'aurait pas aussi bonne
que les autres.
--Vous en penserez ce que vous voudrez, reprit le medecin; mais je
vous declare que vous jouez gros jeu si vous contrariez jamais les
inclinations de votre fille cadette. C'est un temperament nerveux des
mieux conditionnes, et assez semblable a celui de l'ainee. De plus, la
folie, si elle n'est pas hereditaire, est contagieuse....
--Oh! nous enverrons l'autre dans une maison de sante; nous nous
deciderons a cela quoi qu'il en puisse couter, dit madame Bricolin.
--Et il ne faut pas contrarier Rose, entends-tu, ma femme? dit le
fermier en se versant du vin a pleins verres pour s'etourdir sur ses
chagrins domestiques. Il y a des acteurs a la Chatre, il faudra la mener
voir la comedie. Nous lui acheterons une robe neuve, deux s'il faut.
Nous avons, sapredie, bien le moyen de ne lui rien refuser!...
M. Bricolin fut interrompu par madame de Blanchemont, qui lui demandait
un entretien particulier.
XXX.
LE CONTRAT
--Monsieur Bricolin, dit Marcelle en suivant le fermier dans une espece
de cabinet sombre et mal range ou il entassait ses papiers pele-mele
avec divers instruments aratoires et ses echantillons de semence,
etes-vous dispose a m'ecouter avec calme et douceur?
Le fermier avait beaucoup bu pour se donner de l'aplomb avant d'aller
insulter Grand-Louis sur le terrier. En revenant, il avait encore bu
pour se calmer et se rafraichir. En troisieme lieu, il avait bu pour
conjurer la tristesse repandue autour de lui et chasser les idees noires
qui le gagnaient. Son pichet de faience a fleurs bleues, en permanence
sur la table de la cuisine, lui servait ordinairement de contenance ou
de stimulant contre la premiere pesanteur de l'ivresse. Quand il se vit
seul avec la dame de Blanchemont et prive du secours de son vin blanc,
il se sentit mal a l'aise, fit machinalement le mouveme
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