s'etait avance jusqu'a la porte
cintree, recula d'horreur et alla tomber sur un de ses garcons de ferme,
qui le soutint a grand'peine. Cette chapelle, qui avait ete jadis
attenante au vieux chateau, montrait encore aux yeux des antiquaires
d'assez jolis details de sculpture gothique. Mais la vetuste d'une telle
construction devait ceder bientot a l'intensite de la chaleur. La flamme
sortait par les fenetres, et les rosaces delicates commencaient a se
detacher avec fracas, lorsque la porte a demi ouverte fut poussee
brusquement de l'interieur. On vit alors sortir la folle, une petite
lanterne dans une main et un brandon de paille enflamme dans l'autre.
Elle se retirait lentement apres avoir mis la derniere main a son oeuvre
de destruction; elle marchait d'un air grave, les yeux fixes a terre, ne
voyant personne, et tout occupee du plaisir de sa vengeance longtemps
meditee et froidement executee.
Un gendarme trop consciencieux marcha droit a elle et l'arreta en la
prenant par le bras. La folle s'apercut alors que la foule l'entourait;
elle porta vivement son brandon enflamme a la figure du gendarme, qui,
surpris de cette defense imprevue, fut force de lacher prise. Alors la
Bricoline, retrouvant son agilite impetueuse, et prenant une expression
de haine et de fureur, s'elanca dans la chapelle, comme pour se cacher,
en proferant des imprecations confuses. On tenta de l'y suivre, personne
n'osa. Elle traversa la flamme avec la prestesse d'une salamandre, et
gravit le petit escalier en spirale qui conduisait aux combles. La, elle
se montra a une lucarne et on la vit activer le feu qui montait trop
lentement a son gre, et qui bientot l'environna de toutes parts. On fit
vainement jouer les pommes pour arroser le toit. Il avait ete recemment
repare et garni en zinc. L'eau coulait dessus et penetrait fort peu.
Le feu couvait donc a l'interieur, et l'infortunee Bricoline, brulant
lentement, devait subir des tortures atroces. Mais elle ne parut pas les
sentir, et on l'entendit chanter un air de danse qu'elle avait aime dans
sa jeunesse, qu'elle avait sans doute danse souvent avec son amant,
et qui lui revint a la memoire au moment d'expirer. Elle ne fit pas
entendre une seule plainte; sourde aux cris et aux supplications de sa
mere oui se tordait les bras et qu'on retenait de force pour l'empecher
de courir aupres d'elle, elle chanta longtemps, puis elle parut a la
fenetre une derniere fois, et, reconnaissant son pere:
--Ah! m
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