misere.
Sortant des caveaux de l'eglise Saint-Michel, je fus voir la fameuse
cloche, que j'examinai dans tous ses details. Sa hauteur est de
dix-neuf pieds; une bonne partie est enterree, probablement par son
propre poids, depuis le temps qu'elle est a terre, par suite de
l'incendie qui brula la tour ou elle etait suspendue et dont on voit
encore les fondations. Les grosses pieces de bois auxquelles elle
etait suspendue y sont encore attachees, mais cassees par le milieu.
Pas loin de la, et en face du palais, se trouve l'arsenal ou l'on
voit, a chaque cote de la porte, deux pieces de canon monstres; un peu
plus loin et sur la droite, c'est la cathedrale, avec ses neuf tours
ou clochers couverts en cuivre dore. Sur la plus haute des tours, l'on
y voyait la croix du grand Ivan, qui domine le tout; elle avait trente
pieds de haut, elle etait en bois, recouverte de fortes lames d'argent
dore: plusieurs chaines aussi dorees la tenaient de tous les cotes.
Quelques jours apres, des hommes de corvee, charpentiers et autres,
furent commandes pour la descendre, afin de la transporter a Paris
comme trophee, mais, en la detachant, elle fut emportee par son poids;
elle faillit tuer et entrainer avec elle tous les hommes qui la
tenaient par les chaines; il en fut de meme des grands aigles qui
dominaient les hautes tours, autour de l'enceinte du Kremlin.
Il etait midi lorsque nous eumes fini de passer la revue; en partant,
nous passames sous la fausse porte ou se trouve le grand Saint Nicolas
dont j'ai parle plus haut. Nous y vimes beaucoup d'esclaves russes
occupes a prier, a faire des courbettes et des signes de croix au
grand Saint; probablement qu'ils l'intercedaient contre nous.
Le 25, avec plusieurs de mes amis, nous parcourumes les ruines de la
ville. Nous passames dans plusieurs quartiers que nous n'avions pas
encore vus: partout l'on rencontrait, au milieu des decombres, des
paysans russes, des femmes sales et degoutantes, juives et autres,
confondues avec des soldats de l'armee, cherchant, dans les caves que
l'on decouvrait, les objets caches qui avaient pu echapper a
l'incendie. Independamment du vin et du sucre qu'ils y trouvaient,
l'on en voyait charges de chales, de cachemires, de fourrures
magnifiques de Siberie, et aussi d'etoffes tissees de soie, d'or et
d'argent, et d'autres avec des plats d'argent et d'autres choses
precieuses. Aussi voyait-on les juifs, avec leurs femmes et leurs
filles, faire a nos solda
|