rque au bon coin".--Evidemment,
pour Le Sage la litterature et surtout la langue, au commencement du
XVIIIe siecle, sont sur la pente d'une rapide decadence. Il est homme de
1660. Il n'est pas sur qu'il eut ecrit les _Precieuses ridicules_ et les
_Femmes savantes_; mais il les refait, discretement, a sa maniere, a
plusieurs reprises. De Fontenelle et de Marivaux le bon lui echappe, et
le mauvais l'exaspere; et de la _Henriade,_ en son _Temple de memoire_,
malgre l'engouement d'alentour, il se moque cruellement. C'est tout a
fait un retardataire.
[Note 20: _Gil Blas_, VII, 13.]
[Note 21: _Ibid._, et X, 5.]
Notez que du siecle precedent il en est aussi par la tournure
d'esprit, du moins par un certain tour de l'esprit. Il a l'instinct
generalisateur. Il n'est point contestable, bien que je ne me lasse
point de protester contre l'exces ou l'on a pousse cette consideration,
que les hommes du XVIIe siecle aiment fort les idees generales, les
conceptions qui s'etendent loin et embrassent un tres grand nombre
d'objets. Dieu sait si Le Sage est philosophe; mais, a sa maniere, il
aime aussi generaliser, et sinon avoir des idees universelles, du moins
tracer des tableaux d'ensemble. Ce n'est rien moins que toute la vie
humaine qu'il encadre dans chacun de ses romans. C'est tous les toits
des maisons d'une ville, et ceux des bourgeois, et ceux des nobles, et
ceux des princes, et ceux des prisonniers, et ceux des fous, que souleve
le _Diable boiteux_; c'est toutes les conditions humaines, de dupe,
de fripon, d'ecolier, de bandit, de valet, de gentilhomme, d'homme de
lettres, d'homme d'Etat, de medecin, d'homme a bonne fortune, de mari
tranquille et campagnard, et la pudeur m'avertit d'en passer, que
traverse successivement _Gil Blas_. Le gout du XVIIe siecle est la.
Les hommes de ce temps, ou simplement de cet esprit, aiment les grands
aspects, les perspectives vastes; il ne leur deplait pas de faire le
tour du monde en un volume; et quand ce n'est pas le monde de la pensee
humaine, ou celui de l'histoire, que ce soit celui de la societe, avec
tous ses vices, tous ses ridicules et tous ses travers.
Et voyez encore de qui Le Sage procede directement, ou sont ses origines
et comme ses racines litteraires. Il est tout autre que La Bruyere;
mais il est ne de lui. Avant d'avoir pris possession de sa pleine
originalite, il ecrit un livre qui est le _Chapitre de la Ville_ arrange
en petit roman fantaisiste. Apres l'immense succes
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