ne bon, ou ne mauvais? Il n'en sait rien, et
comme, au point de vue de son art, il a raison de n'en rien savoir! Il
voit passer l'homme, et il a l'oeil bon, et cela lui suffit tres bien.
Il nous le renvoie, comme ferait un miroir qui, seulement, saurait
concentrer les images, aviver les contours, et rafraichir les couleurs.
--Mais cela revient presque a dire, ou mene a croire que le "bon
realiste" ne doit pas avoir de personnalite.--Ce ne serait point une
idee si fausse. L'art realiste est la forme la plus impersonnelle de
l'art, celle ou l'artiste met le moins de lui-meme, et se soumet le plus
a l'objet. On est toujours quelqu'un, sans doute; mais la personnalite
de l'un peut etre dans ses passions, et alors, comme artiste, il sera
lyrique, ou elegiaque, ou orateur; et la personnalite de l'autre peut
etre dans ses appetits, et alors il ne sera pas artiste du tout;--c'est
le cas du plus grand nombre;--et la personnalite de celui-ci peut etre
dans sa curiosite, dans son intelligence, et dans son gout de voir
juste, et alors, comme artiste, il sera realiste. Et c'est le cas de Le
Sage, qui n'a pas une personnalite tres marquee, qui semble n'avoir eu
ni passion forte, ni gout decide, ni systeme, ni idee fixe, ni manie,
ni vif amour-propre, ni grande vanite, et qui pour toutes ces raisons
"n'etait quelqu'un" que par les yeux, que par l'habitude d'observer et
par le gout (aide du besoin de vivre) de consigner ses observations.
III
L'ART LITTERAIRE DE LE SAGE
Tout cela est tout negatif. C'est de quoi eviter les ecueils de l'art
realiste: ce n'est pas de quoi y bien faire. Le Sage avait mieux pour
lui qu'une absence de defauts. Il avait d'abord, ce qui me parait le
merite fondamental en ce genre d'ouvrages, un tres grand bon sens.
Quand les hommes--car des qu'il s'agit d'art realiste il ne faut guere
songer a avoir des lectrices--quand les hommes s'eprennent d'art
realiste, c'est par un desir assez rare, mais qui leur vient
quelquefois, par reaction, degout d'autre chose, ou seulement caprice,
de trouver le vrai dans un ouvrage d'imagination. Le cas se presente.
Nous aimons successivement toutes choses, en art, et meme la verite.
Mais voyez comme pour l'auteur il est malaise de contenter ce gout
particulier. Les termes de son programme sont apparemment, et meme plus
qu'en apparence, contradictoires. Il doit imaginer des choses reelles.
Et ceci n'est pas jeu d'antithese de ma part. Il est bien exact que nous
demando
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