rrisse seulement l'esprit de tout ce qu'ils ont de bon (il faudrait
indiquer a quoi ce bon se reconnait) et qu'il abandonne apres cet esprit
a son geste naturel."
Toutes les fois qu'il touche a cette question, c'est ainsi qu'il parle.
Ce qui precede est a la fin de la septieme feuille du _Spectateur_; le
galimatias est plus terrible au commencement de la huitieme.
--Voici de son style quand il se fait critique. Sur _Ines de Castro_:
"... Et certainement c'est ce qu'on peut regarder comme le trait du plus
grand maitre: on aurait beau chercher l'art d'en faire autant, il n'y
a point d'autre secret pour cela que d'avoir une ame capable de se
penetrer jusqu'a un certain point des sujets qu'elle envisage. C'est
cette profonde capacite de sentiment qui met un homme sur la voie de ces
idees si convenables, si significatives; c'est elle qui lui indique
ces tours si familiers, si relatifs a nos coeurs; qui lui enseigne ces
mouvements faits pour aller les uns avec les autres, pour entrainer
avec eux l'image de tout ce qui s'est deja passe, et pour preter aux
situations qu'on traite ce caractere seduisant qui sauve tout, qui
justifie tout, et qui meme, exposant les choses qu'on ne croirait pas
regulieres, les met dans un biais qui nous assujettit toujours a bon
compte; parce qu'en effet le biais est dans la nature, quoiqu'il cessat
d'y etre si on ne savait pas le tourner: car en fait de mouvement la
nature a le pour et le contre; et il ne s'agit que de bien ajuster."
Marivaux etait de ceux, ou de celles, a qui l'idee pure, meme tres peu
abstraite, echappe completement, qui n'ont ni prise pour la saisir,
ni force pour la suivre, ni langage pour l'exprimer. Il n'etait un
"penseur" a aucun degre, et le peu de cas qu'en ont fait les philosophes
du XVIIIe siecle tient en partie a cette raison.
--Il etait mieux qu'un penseur; il etait un moraliste.--Ce n'est pas
encore tout a fait le vrai mot, et c'est chose curieuse meme, comme
ce romancier si agreable, et cet auteur dramatique si rare, est peu
moraliste a proprement parler. Il me semble qu'il observe assez peu, et
qu'on ne trouverait guere dans Marivaux de veritables etudes de moeurs
ni de copieux renseignements sur la societe de son temps. Dans ses
journaux, pour commencer par eux, on ne rencontre que tres peu de
details de moeurs. Il trouve le moyen de faire des "chroniques" non
politiques, rarement litteraires, et ou la societe qu'il a sous les yeux
n'apparait point. Il n'
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