la
complaisance qu'il merite, on reconnaitra qu'il ne nous donne sur ces
sujets, faiblement exprimees, que les idees courantes, et qui couraient
depuis bien longtemps. Ses dissertations sont democratiques comme la
satire de Boileau sur la Noblesse, et socialistes comme un sermon de
Massillon. C'etaient la propos de salon, a remplir les heures, et rien
de plus. Quand il ne raconte pas quelque chose, on ne saurait dire a
quel point Marivaux, dans le _Spectateur_ et ouvrages analogues, nous
tient les discours d'un homme qui n'a rien a dire.--"Du moment qu'il se
fait journaliste...", me repondra-t-on.--Sans doute; mais ce journaliste
est Marivaux, et dans tout le fatras ordinaire des feuilles volantes, on
s'attendrait a trouver, ca et la, quelque passage revelant un homme qui
reflechit, ou qui a, d'avance, certaines idees arretees sur les choses.
C'est ce qui manque. L'absence d'idees generales, et probablement
l'incapacite d'en avoir, est un trait important du personnage que nous
considerons. A lire les autres oeuvres de Marivaux, on soupconne cette
lacune; a lire le _Spectateur_, on s'en assure.
La chose est peut-etre plus sensible, quand on s'enquiert des idees
litteraires de Marivaux. On sait que Marivaux est un "moderne", ce que
je ne songe nullement a lui reprocher; car non seulement il est permis
d'etre "moderne", mais il n'est pas mauvais de l'etre, quand on est
artiste, pour avoir le courage d'etre original. Marivaux est donc contre
les anciens; mais rien ne montre mieux son impuissance a exprimer une
idee, c'est-a-dire a en avoir une, que la maniere dont il plaide sa
cause. Tout a l'heure, il etait diffus et vide, maintenant il est
inintelligible et inextricable:
"Nous avons des auteurs admirables pour nous, et pour tous ceux qui
pourront se mettre au vrai point de vue de notre siecle. Eh bien, un
jeune homme doit-il etre le copiste de la facon de faire de ces auteurs?
Non! cette facon a je ne sais quel caractere ingenieux et fin dont
l'imitation litterale ne fera de lui qu'un singe, et l'obligera de
courir vraiment apres l'esprit, l'empechera d'etre naturel. Ainsi, que
ce jeune homme n'imite ni l'ingenieux, ni le fin, ni le noble d'aucun
auteur ancien ou moderne, parce que ou ses organes s'assujettissent
a une autre sorte de fin, d'ingenieux et de noble, ou qu'enfin cet
ingenieux et ce fin qu'il voudrait imiter, ne l'est dans ces auteurs
qu'en supposant le caractere des moeurs qu'ils ont peintes. Qu'il se
nou
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