ntend a peindre surtout les femmes et les personnages qui leur
ressemblent. Il a fait un Jacob un peu adouci, un peu feminise, sans
songer que les Jacob reussissent aupres des femmes precisement parce
qu'ils ne leur ressemblent pas; un Jacob qui n'est point faux, car le
trait principal est bien saisi; mais qui s'arrete comme a mi-chemin de
son evolution naturelle, qui benite a s'accomplir, qui reste indecis
parce qu'il resta inacheve, et qui devrait, ce me semble, ne pas
reussir, du moins entierement.
Jolie esquisse du reste, etude psychologique dessinee d'un trait delie
et fin, a laquelle il manque, comme toujours, la vigueur, la plenitude,
les dons, pour tout dire, du grand moraliste.
Et, enfin, sont-ce la des romans? Mon Dieu, non, et l'on voit bien que
c'est a cette conclusion que je suis force de venir. Marivaux est
un psychologue; il fait un bon "portrait" ou un bon "caractere"; il
l'expose bien, dans un bon jour, il le fait deux ou trois fois pour
montrer son modele dans deux ou trois attitudes et dans le jeu nouveau
de lumiere et d'ombres que de nouveaux entours font sur lui, et il croit
avoir ecrit un grand roman. Mais il n'a pas assez de matiere, une assez
grande richesse d'observations pour que ce qui environne sa figure
centrale ait autant de realite qu'elle en a. Il s'ensuit que dans ses
romans le personnage principal est vrai, et tout le reste conventionnel.
J'exagere un peu. Dans _Marianne_, apres Marianne, il y a M. de Climal.
Dans le _Paysan_, apres Jacob, il y a Mlle Habert cadette. Je le veux
bien. Et encore M. de Climal est-il d'une si puissante realite? Deux ou
trois discours de lui sont de petits chefs-d'oeuvre, melanges infiniment
heureux de fausse devotion qui ronronne et de libertinage honteux qui
balbutie. Mais il y a bien quelque incertitude dans le trait general,
et je ne sais pas si c'est moi que je dois accuser quand j'hesite a
son egard entre le degout, la pitie et presque l'estime, selon les
circonstances. La complexite, dans la composition d'un personnage, est,
suivant les cas, trait de genie ou signe d'impuissance. Le mal est que,
pour M. de Climal, le doute au moins reste dans l'esprit.
Mlle Habert n'est point complexe; et elle a de la verite; mais elle est
pale, elle est sans relief. Elle ne laisse presque rien dans la memoire.
Une figure pleine et grasse, des yeux qui luisent sous des paupieres
discretes, les lignes arrondies d'une chatte gourmande, voila ce que je
me rappelle
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