ofondeurs secretes, et les singuliers
aspects et les forces inattendues de l'instinct, demandent un art
psychologique bien plus penetrant.
--Autant dire que l'art qui veut donner la sensation du reel ne donne
que la sensation de la mediocrite.--Sans aucun doute; seulement la
mediocrite vraie, bien vivante, parlante, et ou chacun de nous reconnait
son voisin est infiniment difficile a attraper, et Le Sage, autant,
si l'on veut, par ce qui lui manquait, que par ses qualites, etait
merveilleusement habile a la saisir: et je ne dis pas qu'il n'y ait un
art superieur au sien, je dis seulement que ce qu'il a entrepris de
faire, il l'a fait a merveille. En quelque affaire que ce soit, ce n'est
pas peu.
Je dis encore qu'il avait l'art, non seulement de vivifier les
observations, mais de lier entre elles les observations. C'est d'abord
la meme chose, et ensuite quelque chose de plus. C'est d'abord avoir ce
don de la vie qui, de mille observations de detail, cree un personnage
vivant, c'est ensuite inventer des circonstances, des incidents, vrais
eux-memes, et qui, de plus, servent a montrer le personnage dans la
suite et la succession des differents aspects de sa nature vraie. On
peut dire que c'est ici que Le Sage est inimitable. Les aventures de
Gil Blas sont innombrables; toutes nous le montrent, et semblable
a lui-meme, et sous un aspect nouveau. Il y a la et un don de
renouvellement et une surete dans l'art de maintenir l'unite du type qui
sont merveilleux. De ces histoires si nombreuses, si diverses, aucune ne
depasse le personnage, ne l'absorbe, ne le noie dans son ombre. Il
en est le lien naturel, et aussi il est comme porte par elles, comme
presente par elles a nos yeux tantot dans une attitude, tantot dans une
autre; elles le font comme tourner sous nos regards, sans que jamais
l'attention se detache de lui, et de telle sorte, au contraire, qu'elle
y soit sans cesse ramenee d'un interet nouveau.--Et avec quel sentiment
juste de la realite, encore, pour ce qui est du train naturel des
choses! Elles ne se succedent, ces aventures, ni trop lentement, ni trop
vite. Par un art qui tient a l'arrangement du detail et qui est repandu
partout sans etre particulierement saisissable nulle part, elles
semblent aller du mouvement dont va le monde lui-meme. On ne trouve
la ni la precipitation amusante, mais comme essoufflee, et qu'on sent
factice, du roman de Petrone, ni cette lenteur, amusante aussi, et ce
divertissement perpet
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