e pas l'etre. Du seul fait de sa grandeur il
est legendaire, relegue, meme en un entretien populaire, dans le domaine
du poeme epique.--Et il en est tout de meme d'un scelerat hors de la
commune mesure: il est vrai, et parait etre imaginaire. Remarquez que
vous l'appelez un _monstre_: vous le mettez, quoiqu'il en soit aussi
bien qu'un autre, en dehors de la nature. Par une sorte de necessite
rationnelle, qui pour l'artiste devient une loi de son art, qui dit
realite--chose singuliere mais incontestable--ne dit donc pas toute la
realite, mais ce qui, dans le reel, parait plus reel, parce qu'il est
plus ordinaire. L'art realiste, comme un autre art, et precisement parce
qu'il est un art, aura donc ses limites, en haut et en bas, et devra
s'interdire la peinture des caracteres trop particuliers soit par
leur elevation, soit par leur bassesse, soit, simplement, par
leur singularite. Or Le Sage etait, par sa situation dans la vie,
admirablement place pour observer, sans effort et naturellement, les
limites de cet art. Il ne le creait point; et souvent il en semble le
createur; moins parce qu'il l'inventait, que parce que cet art semblait
invente pour lui. Il ne devait guere songer a peindre les creatures
d'exception, ou seulement les hommes d'un monde eleve et raffine; car,
petit bourgeois modeste, timide meme, a ce qu'il me semble, et un peu
farouche, il ne faisait guere que passer dans les salons, parfois meme
un peu plus vite qu'on n'eut desire. Il ne devait pas se plaire dans la
peinture des trop vils coquins; car il etait tres honnete homme, et,
notez ce point, tres rassis d'imagination et tres simple d'attitudes,
n'ayant point, par consequent, ou ce gout du vice qui est un travers de
fantaisie depravee chez certains artistes d'ailleurs bonnes gens, ou
cette affectation de tenir les scelerats pour personnages poetiques, qui
est demangeaison puerile de scandaliser le lecteur naif chez certains
artistes d'ailleurs tres reguliers et tres bourgeois.--Restait qu'il fut
un bon realiste en toute sincerite et franchise, sans ecart ni invasion
d'un autre domaine, et bien chez lui dans celui-la.
Voila pourquoi il semble avoir invente le genre. Ses predecesseurs,
en effet, ne le sont pas si purement. D'abord ils le sont moins
_essentiellement_ qu'ils ne le sont par reaction contre les romanesques
qui les precedaient eux-memes. Et puis ils le sont avec quelque melange.
Les uns, comme Boileau, le sont avec une intention satirique, e
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