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Le baron etait installe sur un canape, dans le salon.
--A mon grand regret, dit-elle, il faut que je vous fausse compagnie.
--Et pourquoi donc, petite fille?
Petite fille etait un mot paternel dont il se servait en public.
--Parce que je vais prendre une lecon avec monsieur.
Alors, continuant son role, elle avait fait la presentation de Beio au
baron, du baron a Beio.
--Comment! s'ecria le baron, vous etes monsieur Lorenzo Beio? Mais j'ai
l'honneur de vous connaitre; j'entends souvent parler de vous par la
meilleure amie de ma fille, mademoiselle Carmelita Belmonte, dont vous
etes le professeur.
Beio, sans repondre, s'inclina.
--Mes compliments, cher monsieur, continua le baron; vous avez dans
Carmelita une eleve qui vous fait le plus grand honneur. Quel malheur,
n'est-ce pas, qu'une organisation si splendide soit perdue pour l'art!
Combien de fois en la faisant travailler, avez-vous du vous dire que sa
place etait sur la scene? Elle y eut ete admirable, j'en suis certain:
avec sa beaute, avec son talent, elle aurait obtenu des succes
prodigieux. C'est, il me semble, un vif chagrin pour un professeur de
se dire qu'un pareil talent est ignore; car qu'est-ce que la gloire des
salons! Et puis, quand elle sera mariee, chantera-t-elle? Le monde, la
famille, lui en laisseront-ils la possibilite?
Lorenzo Beio se tourna vers Flavie et lui demanda si elle n'etait pas
prete a commencer.
--Commencez, dit le baron; ne vous troublez pas pour moi. J'ai bien
souvent assiste aux lecons de cette petite fille; elle est habituee a
moi.
Dans un moment de repos, le baron revint au sujet qui le preoccupait.
--Connaissez-vous le colonel Chamberlain, qui epouse mademoiselle
Belmonte? C'est aussi un de mes bons amis, charmant garcon.
Beio repondit qu'il ne connaissait pas le colonel.
--Facheux, tres facheux. Je suis sur que quand vous aurez fait sa
connaissance, vous regretterez moins de perdre votre eleve. Il me semble
que ce soit l'homme destine par la Providence a devenir la mari de
Carmelita, comme s'ils etaient faits l'un pour l'autre.
L'Italien ecoutait ces paroles avec une figure sombre, en lancant de
temps en temps des regards furieux au baron, que celui-ci paraissait ne
pas voir, mais qu'il remarquait tres bien.
--Cependant seront-ils heureux? continua le baron, ne craignant pas de
mettre une certaine incoherence dans son discours; c'est ce que je me
demande. L'apparence est pour le bonheur. Mai
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