t
homme, qui ne se plait plus qu'aux choses bizarres, dit que rien n'est
plus drole que l'ingenuite avec laquelle sa maitresse se sert de la
langue qu'il vient de lui apprendre, n'imaginant pas qu'on puisse parler
autrement: le contraste de la candeur naive qui est en elle avec son
langage plein d'effronterie est tout a fait seduisant.
C'etait une education de ce genre que Flavie s'etait donnee, mais bien
entendu en sachant tres bien "qu'on pouvait parler autrement," et, comme
avec cela elle etait restee enfant pour le visage, gardant des yeux
innocents, un sourire naif, une bouche mignonne et chaste, elle
produisait justement un effet de seduction provoquante, qui resultait du
contraste de son apparence naive avec son langage plein d'effronterie.
Pour certaines gens, elle etait irresistible par la facon candide dont
elle recitait "son catechisme de debauche."
Tous ceux qui la connaissaient disaient d'elle:
--Est-elle drole, cette Flavie!
Et ce mot etait generalement accepte.
Les jeunes beaux des avant-scenes et de l'orchestre etaient assez
indifferents pour elle; mais, parmi les hommes qui avaient passe la
soixantaine, elle avait de zeles partisans. Il est vrai qu'ils ne la
defendaient pas ouvertement quand on l'attaquait, mais, a ces attaques,
ils repondaient par des haussements d'epaules ou des sourires discrets
qui en disaient long pour qui savait comprendre.
Le baron Lazarus etait un de ces fideles, et de tous, celui qui lui
temoignait publiquement le plus d'interet.
--Elle etait la fille de son caissier, cet interet n'etait-il pas tout
naturel?
Si cette explication etait accueillie par des sourires, il ne se fachait
pas et riait lui-meme.
--Je voudrais bien, disait-il.
En sortant de chez madame de Lucilliere, il se rendit directement chez
Flavie, et, avec de longues circonlocutions, il lui expliqua ce qu'il
desirait, c'est-a-dire qu'elle prit des lecons de Lorenzo Beio.
A ce mot, Flavie se jeta a la renverse sur un canape en riant aux
eclats.
--Des lecons, dit-elle; moi a mon age, ah! zut!
--Mais, ma chere petite....
Et le baron se mit a developper tous les avantages qu'il y avait pour
elle a prendre de lecons de Beio. Cette idee lui etait venue la veille
en l'entendant chanter. Evidemment, si elle voulait, elle pouvait
devenir une grande artiste; elle avait tout ce qu'il fallait pour cela.
Est-ce que madame Ugalde, madame Cabel, madame Sass, n'avaient pas
debute dans des cafes-c
|